On est dans une ville du sud, Marseille sûrement, ou quelque chose comme ça. La corniche est une promenade des anglais, sûrement, ou quelque chose comme ça. En bas, il y a la mer, et entre la corniche et la mer, la Plate. Sorte de plateforme de béton, la plaque est née des travaux et a surgi par hasard des remblais pharaoniques des ambitions municipales, puis, elle a été détournée en aire de jeux et de drague par les adolescents en rupture des quartiers chics, eux sont des quartiers nord.
Eux ne vont pas à la plage, ils s’écartent et prennent la tangente sociale sur ce bout de territoire, où ils se régissent de leurs lois et de leur code de l’esbroufe. Portables, baskets, mobylette ou scooter, ils ont les accessoires de leur apparence. Sur le cap de la Plate, ils passent leur temps à plonger, ou pas, il y a aussi ceux qui restent s’embrasser, longtemps.
Pour ceux qui plongent, le terrain de jeu s’étale en trois marches : du déjà plus facile, au déjà dangereux ; du « just do it », au « Face to face ». Ils sautent aux cris de » Spider man », « Zidane reviens ! ». La bande s’ébroue, se pousse, s’affale, une bande de jeunes chiots que leurs parents et l’école ont planté dans ce désoeuvrement hilare et stérile.
Ils s’ébrouent sous deux regards, deux paires d’yeux qui les observent. Ceux de Sylvestre Opéra se prolongent de jumelles. Il est chargé de la surveillance des côtes, donc, il scrute du haut de la loi, de son balcon, de son bureau le survol enchanté de ces corps éphémères. La bande énerve et titille son corps balourd comme un regret.Suzanne, l’adolescente de l’autre côté du cap, a maison avec piscine et vue sur la Plate. La bande, c’est son envers.
Ces trois entités vont finir par se rejoindre : Sylvestre, parce qu’il doit leur donner la chasse à ces ados qui perturbent la vision municipale d’une ville propre, et Suzanne, parce que même de loin, le chef de la bande, Eddy, est rudement mignon avec son parfum d’interdit.
Une fois ces tableaux plantés et les décors élevés autour d’eux, ben, la trame narrative est quelque peu mince ( y’a bien Sylvestre et son amour prostitué disparu et une histoire de contrebande … Mais bon,,ce n’est pas intensif non plus). Plutôt à lire comme une incursion dans un univers ado, dont les descriptions lumineuses des corps, jeunes, tendus dans le présent et l’instant, sont travaillées jusqu’à un presque maniérisme ( c’est la première fois que le style de cette auteure m’a presque énervée), rendant fascinante la banalité de jeunes désoeuvrés, dans une ville qui ne veut pas les voir.
En tout cas, surtout à ne pas lire comme un roman documentaire sur la jeunesse qui glandouille, ma pauv’ dame, plutôt comme une vision très personnelle ( et belle, et tendre) d’un scénario type « Roméo et Juliette » pour des héros à la visibilité réduite.
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