Mis à part qu’il y a un peu trop de renards dans cette histoire ( je n’ai rien contre les renards, mais je n’ai pas toujours vu leur apport narratif, sauf évidemment qu’ils sont plutôt symboliques, traces d’une sauvagerie et d’une ruse rousse et des légendes à la longue queue retroussée sur des babines acérées …)
J’ai adoré Arsène, le héros, enfin, le personnage principal, parce que c’est un peu un héros torve, pour un héros. Arsène Le Rigoleur. Absolument pas rigolo comme type, le genre à manger du renard tout cru sous une mine chafouine et à bricoler son tracteur en machine à broyer les petites filles. Arsène vit seul, il a bien un copain, mais c’est tout. Il est resté dans la ferme familiale, par choix ; la terre, il aime ça. La solitude aussi. Pour les besoins du bas ventre, il a son nécessaire, à dates fixes et n’en abuse pas. Le père est mort, la mère est à la maison de retraite. C’est pas qu’elle était si vieille que ça, c’est juste que c’est mieux comme ça. Il a bien fait un tour à Brest, une fois, mais c’était pour un enterrement, alors je ne sais pas si ça compte, comme distraction. Il a bien une soeur aussi, mais elle ne vient pas souvent, alors, elle ne le dérange pas trop. Il avait bien un frère, un plus jeune, François, mais il lui est arrivé des bricoles, et à sa tante aussi. Et puis à d’autres, aussi.
Arsène, c’est un taiseux, un bouseux, un rusé matois aux airs de Raminagrobis, planqué derrière ses rideaux et attablé à sa toile cirée, derrière son verre de cidre. Un peu à part de son village breton de l’intérieur, celui pour lequel la mer est loin, même quand elle est au bout du champ, où les auges en granit se transforment petit à petit en jardinières pour géraniums. Arsène en perd ses repères.
Alors, quand la gentille famille Massart vient s’installer dans la ferme rénovée d’en face de chez le Arsène, quand la petite Juliette s’invite chez lui en le surnommant tonton, quand son frère (roux) s’invite dans le poulailler, il n’y a pas que la mère qui s’inquiète, il y a aussi la lectrice.
Il faut dire que le Arsène, il a la rancune tenace et la haine froide pour ceux qui gêneraient son petit univers de souvenirs. Ce n’est pas qu’ils soient bien beaux, ni bien romantiques, mais ce sont les siens. Et il ne vaut mieux pas toucher à ce qui est à Arsène.
Comme c’est lui qui raconte, il nous donne des grains, comme il donnerait à ses poules. Il dose. Il prend son temps. La plume qui reconstruit derrière est solide, bien trempée dans un concret qu’elle nous donne à voir. J’ ai aimé cette écriture, les paysages étroits qu’elle construit dans la tête d’Arsène, cette ruralité pas pitoyable, juste un peu tordue. Un beau personnage, pas beau du tout.
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