La place du mort, Pascal Garnier

Il fut un temps où je ne jurais que par le polar, le polar français, qui plus est, du bien noir et du bien suintant de misères sociales et de laissés pour compte de la société et de la vie en général, un temps où Pouy, Raynal et tous les autres venaient en joyeux fêtards gauchistes jusque qu’au bout des santiags de Pascal  Dessaint, trinquer derrière leurs piles de bouquins à « Étonnants voyageurs » ( oui, cela fait un peu arrière-garde, mais j’assume …)

Je n’y ai jamais vu Pascal Garnier, mais sans doute faisait-il partie de la confrérie, en tout cas, ce qu’il écrivait peut le laisser penser, car j’ai retrouvé avec plaisir cette « joyeuse bamboula de la mortitude des choses » dans « La place du mort », un petit polar bien sous tous rapports pour qui aime le genre.

Un accident de voiture dans la nuit, une voiture au phare borgne et que seul un renard entend percuter avant de retourner à ses occupations, finir d’éventrer son lapin. Nous sommes près de Dijon (mais on ne le saura qu’après)

Puis, le bruit de l’horloge franc-comtoise, celui de la maison du père de Fabien, notre héros, père solitaire et rabougri du coeur qui avait besoin d’un coup de main pour un vidage de grenier. Nous sommes en Normandie.

Fabien, le héros, rentre dans son appartement parisien, besogne faite. Sa femme Sylvie, avec qui il vivote depuis un temps certain, n’est pas là. La quarantaine sans enfants, un arrangement entre amis. Il écoute ses messages sur répondeur, il y a en a trois. Le dernier vient de l’hopital de Dijon : il dit que Sylvie est morte.  A Dijon, donc, dans un accident de voiture, Sylvie et son amant, un certain Martial, sur la route qui menait à leur coin d’amour  » Le petit chez soi ». Après un aller-retour : Fabien est fort marri et revient à Paris se morfonde. Lui qui aimait la solitude « mais accompagné », le voilà réduit à se demander si il va devoir se nourrir d’oeufs au chorizo fort jusqu’à la fin de sa vie, vu qu’il aime le chorizo fort et que Sylvie ne l’aimait pas, mais quand même, ce n’est pas une raison …

Recueilli par son copain Gilles, sorte de père d’enfant en mal d’amour de sa Fanchon, les deux compères vont régresser, se font des parties des légos, plus ou moins licites, les légos, et Fabien s’endort au milieu des peluches. Lorsqu’une idée de vengeance se tarbistouille dans la tête du Fabien : il va « prendre la place du mort », séduire la veuve de l’amant, Martine. Il a son adresse, facile, et puis …

Sauf que la Martine se révèle avoir le sex appeal d’une huitre, à se demander pourquoi elle est si bien gardée par par sa « meilleure » amie, Madeleine … Le piège à crabe se referme, mais pas forcément par celui qui croyait prendre, évidemment !!!

 Si l’intrigue n’est pas la force majeure de ce noir, le plaisir vient de cette écriture qui marque l’infinie tristesse drolatique d’une existence vide où l’amour n’a pris la place de personne, un rêve inaccessible d’immobilisme :  » De son lit, les reins calés par un gros oreiller, Fabien pouvait voir par la fenêtre un grand pan de ciel bleu marbré de rose, l’ébauche d’une forêt rousse et un triangle de pré vert où paissaient quelques vaches. Le paradis à portée de main et pourtant inaccessible. Etre une bonne grosse vache, manger toute la journée, donner son lait aux petits enfants, dormir dans une étable bien chaude, bien serrée contre les autres, et recommencer le lendemain pour toujours. »

Et bien, même cela lui sera refusé.

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