Un auteur plein d’allant et le verbe haut et en couleur, une sorte d’énergie tendue, et me voilà curieuse de découvrir sa prose à ce monsieur que ne je connaissais pas, croisé dans un festival du livre pas loin de chez moi, pas snobinard, un peu encore bricolé mais bien sympa (le festival, pas le monsieur).
Me voilà donc avec Une longue nuit d’absence dans le sac, longue nuit très courte, il se lit en une tranquille après-midi … ce qui m’a tenté est l’arrière-plan historique dont je n’avais jamais entendu parler (mais bon, je ne suis pas un critère en connaissances historiques, si ça se trouve, c’est super connu comme arrière-plan historique) : l’exil des républicains espagnols vaincus sur la terre algérienne. Dans les camps français, près de la frontière, je savais mais pas que certains avaient cru que la liberté pouvait les attendre de l’autre côté de la Méditéranée, sur que cet autre côté là, à l’époque, il est français aussi, et donc, que ce sont les camps de l’administration coloniale qui vont les accueillir.
L’écriture est sèche et ne dit que l’essentiel en suivant le personnage principal , un beau personnage héroique, Paco, pour rassembler tous les autres autour de lui, d’autres exilés de cette guerre là et puis d’autres plus anciennes ou plus lointaines, dans la ville d’Oran.
Avant d’être Paco, combattant communiste contre Franco, espion sur sa terre gangrénée par le fascisme, puis embauché par les Américains après leur débarquement pour les aider à faire semblant de vouloir libérer l’Espagne, Paco était Paquito, jeune gamin des terres andalouses, destiné comme tant d’autres à la pauvreté de leur parents. Il est devenu carabinier de la nouvelle république, pour s’échapper de son destin et va donc choisir le sien, avec conviction, la lutte pour la liberté, rien que cela.
La fuite désordonnée de l’Espagne, où il laisse amis, villages et femme, les camps d’internements, l’histoire va vite les brosser en quelques traits; la survie clandestine à Oran, les rencontres d’autres comme lui, bâtis comme des humanistes ordinaires dans un temps qui est peu clément à la tolérance : Shalmo, le vieux juif, Duong, le vietnamien débarqué là parce qu’on n’avait plus besoin de cette main d’oeuvre jaune dans le Sud de la France, Domingo El Nero, Cubain d’Afrique noire, Néhari, le musulman invisible du quartier arabe A Oran, les différentes communautés peuvent se côtoyer, mais ne se regardent pas. Un bref moment, à Oran, pourtant, la communauté espagnole se croira presque dans le monde des tapas et des corridas. Le noms des rues de la ville défilent derrière le vélo de Paco, comme autant de dominos parfumés, avant que l’explosion de l’indépendance ne trouent les vitrines et ne jongent les trottoirs de victimes et de coupables qui n’y comprennent plus rien. Et Paco, non plus, lui qui y avait presque cru …
Le propos est clair, la vie exemplaire, le héros est droit, le trait doux amer évoque un homme qui devra boire l’histoire jusqu’à plus soif. Un roman qui donne l’impression d’être un hommage. En fait, je ne suis pas allée farfouiller sur le net dans la vie de monsieur Belaskri, mais je ne serais point étonnée qu’il y eut un grand-père caché derrière ce Paco là.
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