J’avais laissé le gamin en de bonnes mains réconfortantes, chaudes et rassurantes, à leur façon, soit, mais vu que le gamin partait de pas grand chose niveau tendresse, c’était déjà pas mal : une grande chambre dans la buvette du Village de pêcheurs, Helga et Geirbruour en gardiennes, l’ombre silencieuse de Barour qui le titillait pour ne pas être oublié, tout seul dans la mort glacée, commençait à s’estomper …
On le retrouve donc ainsi, cherchant encore sa place entre les femmes fortes et les hommes faibles : les deux capitaines, celui qui boit trop pour oublier qu’il trouve sa femme laide, et celui qui, aveugle, ne peut plus lire et en a perdu son rire. Et la neige, la neige partout qui engloutit les bruits et les mouvements, sauf ceux des âmes et des désirs des corps ( mais en douceur quand même, les désirs, en frétillements de plume ou de flocon)
Et voilà qu’arrive Jens,le postier géant qui a si peur de l’eau et de lui-même, qu’il se fuit à travers l’hiver glacé, faisant détours et contournements pour éviter de prendre les fjords en barque, ce qui lui vaut d’arriver au Village collé de gel sur son cheval. Posture peu glorieuse.
Mais comme un messager, son arrivée semble remettre le Village en activité et voilà que toute une myriade de personnages enfouis dans les pages blanches se mettent à tourbillonner, tout juste même si on n’a pas le tournis d’entendre tous ces villageois et leur histoire qui vont avec. Sans compter que, dans la tête du gamin, Barour s’éloigne et que la belle Ragnheiour met un bonbon sucré plein de sa salive à elle dans sa bouche à lui ( ça a l’air dégoûtant écrit comme cela, mais en fait, c’est super sensuel dans le livre).
Mais cela devait faire trop de monde pour l’auteur. Il envoie le gamin une deuxième fois dans la neige, dans la tempête des âmes aussi, il doit accompagner le Jens, postier donc, géant aux pied d’argile dans l’eau et dans l’âme, dans une tournée, une sorte de défi voué à l’échec, semble-t-il dans la démesure de la solitude à deux et de cette neige, qui n’en finit pas et de ce vent aussi. Et pourtant, c’est beau.
Sacoches au dos, les deux vont tomber de rencontres en rencontres d’êtres infimes qui survivent contre les congères, laissent une feuille blanche à trois enfants, qui en feront, c’est sûr une enluminure. Le gamin promet un livre au retour à leur mère. Dans le bureau d’un pasteur qui ne sait plus voir la beauté de la femme qui ne dort plus dans son lit, lui, le naif revenu de rien, se demande comment on peut être si malheureux au milieu de tant de livres, va transmettre un poème, et avoir quelques accointances avec un cercueil hanté.
L’histoire se fraie ainsi un chemin entre les glaciers, les ravins, les falaises, les légendes de ceux qui sont morts dedans. Peu de dialogues entre les deux, le géant et le gamin, mais parfois d’un doux surréalisme sur l’existence, rien que cela, le pouvoir des mots et du désir, et des épisodes d’un cocasse saugrenu, et aussi étrange que cela puisse paraître, pour une épopée d’un géant et d’un gamin dans une tempête de neige, quelque chose d’un conte de Noël fourré à la farce.
Athalie
Une belle chaine bloguesque de lecture, en passant par chez Jérôme, (mais lui a de l’avance, il a déjà lu les trois tomes de la trilogie) une lecture devenue commune avec Eeguab, ( sous le lien sa « Lyre d’Islande ») avec plaisir partagée !
Pour les retardataires : le premier tome de la trilogie : « Entre ciel et terre » par Eeguab et par moi
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