Est coquetière celle qui élève des poules pour que les poules pondent le plus d’œufs possibles, de la meilleure qualité possible, suivant les règles de l’hygiène et de la perfection à atteindre.
Sauf qu’Eva ne sait pas en quel temps elle vit, ni auprès de qui, ni trop où, sauf dans sa ferme qu’elle tient même pas proprette, elle n’en a pas le temps, ni la conscience.
En fait, Eva n’a pas conscience de grand chose, elle est née paysanne, elle a pondu deux enfants, elle est une sorte de brume opaque. Eva n’a pas d’amis, ni d’amours. Juste un mari qui, un jour, part à la guerre, deux enfants, formatés dans leur époque, eux. C’est le début de la seconde guerre, la mise en place des lois d’exclusion, qui ne concerne pas que les poules, mais cela, Eva ne le sait pas.
Eva a les pieds dans la fiente, tire de l’eau de l’eau du puits, nourrit les poulets, fait de la soupe des épluchures qui restent des légumes épluchés la veille pour la soupe, et écoute caqueter le soir ses deux enfants embrigadés dans la J.H qui la prennent pour quantité négligeable, le parti d’abord, la ferme après. Sans regard, sans yeux et sans oreilles, Eva peine. Parce que de tout temps les comme elle ont peiné et se sont endormis sous la couette au côté d’un homme aussi oublieux de tendresse que de conscience, aussi. Ecrasés par le devoir de continuer la même chose le lendemain. Pour les enfants, le dévouement est pour la mère patrie et l’ambition de servir la J.H, pas pour la coquetière, la mère qui les nourrit, un peu par habitude, il faut bien les dire.
C’est alors qu’arrive Nathanaël dans le poulailler. Loin d’un coq de basse cour, il est fuigitif, évadé d’un camp où il a tué pour survivre. Ses lunettes sont cassées, il échoie à la coquetière comme un poussin de conscience. Il la touche, elle s’embrase. Toujours dans le poulailler confiné, il ne lui ouvre pas que les sens, mais aussi la réalité . Et petit à petit, après les élans du corps, il va lui ouvrir celles du coeur. De petits mensonges en grandes cachotteries, Eva devient experte de la résistance dans l’ombre, entre marché, couvent et visites de l’inspecteur du respect du plan des cadences imposées pour le bien de la patrie, elle réalise que dans le filet, il y a des mailles, qu’elle peut en jouer pour les en sortir, peut-être pas elle, mais au moins Nathanaël, le cadeau surprise (toujours confiné au poulailler, ceci dit …)
Malgré quelques longueurs et répétitions, une fin plutôt prévisible, et quelques invraisemblances au romantisme d’un amour naissant et très érotique ( dans l’idée, s’ébattre dans la fiente quand ce n’est pas un choix pervers, peut paraître tomber quelque peu à plat, quant au coup du trongnon de chou qui écarte les poules des ébats amoureux, il m’a laissée, dubitative, pour le moins), » la coquetière » est néanmoins un roman qui attaque cette période historique sous un angle innatendu, celui de l’aveuglement involontaire qui révèle l’engrenage, les invitations se font obligations, moyen de contrôle et de surveillance, puis de répression larvés.
On ne croirait pas qu’il se passe tant de choix dans un oeuf.
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