Debout sur la terre, Nahal Tajadon

Ce roman se situe en Iran, à peu près à la même époque que le génialissime « Persépolis » de Sajtrapi, le moment où le pays va basculer du règne du pétro-dollar du Shah à la révolution du tchador. Ce pourrait être une sage historique, mais non, pas vraiment. L’évolution du pays est suivie par celle de quelques personnages, un peu comme un cercle vicieux qui se referme sur lui même. Il y a des riches et des pauvres et pas grand chose au milieu et pas grand chose qui les lie. La frontière entre les deux mondes est ainsi bien marquée, et montrée.

Du côté des riches, il y a les pas intellos, en arrière plan, et les intellos, au premier plan, encore plus décalés du réel des pauvres que les premiers. Les riches pas intellos sont ridiculisés, profiteurs sans aucun scrupules, consommateurs disproportionnés de week-end à Paris pour une coupe de cheveux à la mode ou un nouveau sac Hermès de plus. Les riches intellos aussi sont ridicules, mais moins quand même au fur et à mesure, une pitié s’installe pour ces aveugles qui n’ont pas vu le mur s’écrouler sur leur monde de privilègiés.

Monsieur V. biographe de Victor Hugo, a soutenu toutes les réformes, tous les régimes, soigné jusqu’au bout de ses chaussettes rouges, il se gargarise de son statut d’homme qui a été pris en photo avec Néru, c’est un fantôche qui va être balotté et mis en touche par la déferlante. Ferreydoun est le « jeune heureux » réalisateur du feuilleton à succès de la TV iranienne, lui non plus ne verra rien venir. C’est un séducteur, jouisseur et chevalier servant de la belle et singulière Ensiyeh, richissisme héritière des terres de son père. Dans le roman, ce personnage porte aussi l’héritage de l’Iran des mille et une nuits. C’est par elle que l’histoire s’ouvre sur le passé des Khan, ces chefs de tribus ex-guerriers glorieux qui vont se voir forcés d’oublier leur splendeur pour devenir des gardiens de troupeaux de cultivateurs. Mais ces temps sont finis. Petit à petit, les réformes vont imposer la modernité, interdire le voile, permettre au luxe de s’étaler, indécent. Pendant que ceux-là s’arrosent du fameux « Habit rouge », les autres triment.

Les autres, dans le roman, sont résumés en quasi un seul personnage, Massoud, l’électricien. Au début, il en pince pour la modernité glamour des films d’amour qui passent au Chrystal Palace et pour la vendeuse du Monoprix en mini jupe qui fait des bulles avec son chewing-gum, et puis la parole révolutionnaire va le prendre et le porter en haut de la vague qui va balayer les premiers, ceux qui se sont abreuvés sans avoir vu la source se tarir.

Les riches sont balayés, certes, mais le roman n’est pas si tranché et leur laisse le droit à la nostalgie et un naufrage à la Titanic, avec un peu de classe, quoi … tandis qu’ils doivent laisser la place à un autre monde dont les perversités se mettent aussi en place.

J’ai manqué un peu quand même d’arrière plan plus historique, les épisodes s’égarant parfois dans le burlesque, puis dans le pathétique … Il n’en reste pas moins un roman de bonne facture, bien charpenté et documenté, même si cela ne se voit pas ( le côté documenté, je veux dire …)

 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :