Mendelssohn est sur le toit, Jiri Weil

L’essentiel du roman se déroule à Prague, alors requalifié en « Protectorat de Bohème-Moravie », Reinard Heydrich y a décrété la loi martiale, les arrestations s’amplifient et commence la déportation des juifs vers le ghetto modèle de Térézin. Il se termine vers 1943, la défaite du troisième Reich se profile mais il ne reste plus de juifs à déporter de Prague, le quota fixé ayant été atteint ( comprendre 70 000 personnes sur 118 000, l’auteur, Jiri Weil, fit parti de ceux qui réussirent à rester cachés).

L’histoire suit quelques parcours tronqués, le fil conducteur est plutôt une sorte de « motif statuaire ». On suit des statues, en quelque sorte … Elles balisent différents moments à différents endroits de la ville. La première est celle de Mendelhson boulonnée sur ce qui est devenu sous le « protectorat » nazi,  le palais des Arts à la gloire de la musique, aryenne, forcément. Mendelhson étant vaguement d’origine juive, et Heydrich nazi perfectionniste, il a ordonné que la statue soit déboulonnée du toit. Sans délai.

Le souci est que sur le toit, il y a plusieurs statues et le nom n’est pas marqué dessus. Les petits fonctionnaires chargés de cette mission de la plus haute importance sont bien incapables de savoir laquelle est la bonne. Selon les critères en cours, ils vont bien sûr en mesurer les nez, mais le plus long se révèle être celui de Wagner, sauvé in-extrémis de la dégradation par son béret … Ce pourrait être drôle, c’est juste absurde … De boulons en boutons, cette pantalonnade va faire cascade et par ricochet, toucher une série de petits fonctionnaires agités et zélés, puis d’autres …

C’est par cette petitesse des actes que tient la force du roman, on entre dans la collaboration et la compromission par une suite de petites portes : pour un résistant qui tente de sauver deux fillettes au fond d’un placard, on a le responsable du musée juif qui sauve sa peau en jouant le guide touristique pour les visiteurs du Reich, acceptant toutes les mises en scène, il orchestre, classe et range dans des vitrines tous les objets qui viennent en masse des synagogues dévastées. Un autre se doit de cotoyer les sbires gestapistes, fournisseurs de l’entrepôt où sont stockés les biens des « disparus » et où tout le monde se sert. On y croise la statue de la justice …. gênant rappel …

Pendant ce temps, les déportations s’accélérent et le bras armé de Roland n’empêchera rien, et l’exécution de Heydrich non plus. Un autre rouage prend sa place et la machine continue de fonctionner. Des personnages disparaissent, ce qui ne change  rien non plus. Acucun pathos, juste des faits, des gens, malmenés par le quotidien d’une survie forcément jouée à l’aveugle.

La préface du roman ( je ne l’ai lu qu’après) donne une clef de lecture intéressante : la version du livre que l’on peut lire aujourd’hui n’est pas exactement celle écrite par l’auteur, son « vrai » texte ayant été refusé par la censure communiste parce qu’il ne mettait pas  » suffisamment en relief le rôle de le rôle de la résistance communiste et les victoires de l’armée rouge ». C’est le moins que l’on puisse dire … Un dernier chapitre donne un idée de la version « non censurée », la causticité y est plus rude encore.  

Un grand merci à C. grâce à qui j’ai pu découvrir ce titre, très difficile à trouver, noté comme « épuisé » dans la plupart des sites en ligne. Et c’est vraiment dommage.

 

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