Brooklyn, Colm Toibin

Une histoire en quatre parties, comme quatre décisions à prendre, deux lieux, deux amours et un peu plus autour, deux moments, un passé, un avenir, et un gros présent qui pèse de son poids sur les deux.

Eilis est irlandaise, entre sa soeur, Rose, et sa mère, elle comptait bien y vivre dans sa petite ville, dans sa maison depuis toujours, dont tous les recoins sont les siens, les amies, l’ épicerie, les voisins. Rose joue au golf, travaille, choisit les vêtements, Rose est raisonnable et Eilis aussi. Elle chercherait un emploi de comptable, puis elle irait à un bal, rencontrerait plus tard, bien plus tard, pour l’instant ce n’est pas son affaire, un jeune homme charmant, qui aurait des faux airs de cet énervant Jim Farrel, si peu cavalier et si méprisant qu’elle l’oubliera vite.

D’autant plus vite que la rencontre fortuite entre sa soeur Rose et un prêtre de Brooklyn, d’origine irlandaise et de passage au pays, va bouleverser les choses et la conduire à quitter tout ce qu’elle n’avait jamais songer à quitter, et à traverser l’Atlantique pour l’ inconnu dont elle ne veut pas. Mais Eilis est raisonnable, il faut qu’elle parte. Ses trois frères déjà l’ont fait pour se construire un autre avenir que le chômage. Mais moins loin, en Angleterre et ils étaient tous les trois. Eilis, c’est avec sa valise et sa bonne éducation, sa réserve et sa timidité, ses longues chemises de nuit qu’elle doit prendre le paquebot. Rose restera, solitaire, auprès de la mère, solitaire, une autre forme de sacrifice. Eilis ne choisit pas mais fait ce qui doit être fait, en brave petit soldat de l’exil économique.

A Brooklyn, elle trouve pension et devient vendeuse dans un grand magasin, brave petite vendeuse, elle affronte le froid piquant des grands carrefours, celui de la tristesse, du vide cinglant et morne de ses jours entre la pension à l’horloge réglée au rythme des ventes, que vient troubler le vent des soldes de synthétiques, et le soir, les jacasseries des filles de la pension, entre deux diktats de l’irrascible Magde Keboe, la propriétaire. Toutes d’origines irlandaises, évidemment, il y a celles qui s’émancipent, se coulent dans la mode américaine, et les autres, qui font le pied de grue et la fine bouche.

A travers Eilis, c’est toutes les facettes du petit monde irlandais de l’exil à Brooklyn dans les années 50 que l’on découvre, les repas de Noël de la paroisse, tous ces hommes venus là pour bâtir les grands ponts et parfois laissés sur le côté des grands boulevards … Pour les filles de la pension, la grande affaire est le bal, le nouveau bal de la paroisse, avec qui y aller ? Y aller ou pas ?Danser ou ne pas danser ? Avec qui danser ou ne pas danser ?

Le mode d’emploi de l’exil n’est pas donné clef en main, Eilise s’ y construit, de cours du soir en promotion au magasin, chargée du nouveau stand de collants de couleur pour femmes de couleur, une révolution. L’achat même d’un maillot de bain peut révéler bien des zones d’ombre … Et un petit italien se mêle de la danse et la belle personne doit se regarder, puis regarder, et grandir, pour les choix soient enfin les siens, ou presque …

Un beau roman de l’exil, de chaque côté de l’exil ( car le retour, ou le pas retour, peut aussi en être un autre), mais surtout un beau roman tout court, de l’amour, de soi, d’un homme, d’une fidélité à soi sans (trop) rogner sur les entournures des autres.

 

 

 

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