Wilderness, Lance Weller

Ce roman est construit comme une boucle fermée avec des cercles  à l’intérieur, de plus en plus profonds les cercles, ils creusent vers le fond, et le fond est un champ de bataille, ou plutôt une forêt ravagée, striée de coups de canons et de baïonnettes où s’enchevêtrent les corps mutilés, sciés, brûlés, fendus, percés des soldats qui firent la guerre de Sécession, des deux côtés.

Le héros, Abel Truman, n’était pas dans le bon n’y a laissé finalement qu’un bras et un peu son reste d’âme, déjà que la vie lui en avait pris pas mal avant. La boucle, c’est lui qui va l’accomplir, mais ce n’est pas par lui qu’elle commence, la vie d’Abel est un gouffre où l’on s’enfonce bien plus lentement que cela.

Le premier cercle commence par la fin : Jane Dao-ming Poole est une vieille femme aveugle, à présent en maison de retraite d’où elle n’oublie pas le bruits des choses qu’elle n’a jamais vu, ni ses trois pères : le premier est mort, le second et le troisième aussi. Le second a été Abel, quelques heures et le troisième, Glen, quelques années.

On rentre dans le deuxième cercle, toujours par la fin, Abel est un viel homme qui tousse ses poumons sur une plage du Pacifique. Il y vit depuis la fin de la guerre, il s’est posé là comme on se pose en exil de la vie. Depuis quatre ans, un chien l’accompagne, plus tout jeune lui non plus, et quelques souvenirs : une jeune femme qui fut la sienne, un bébé, un pot de peinture bleue qui s’étale sans fin, et la guerre aussi après, ses éclats qui l’écorchent toujours. Un jour, la mer ne voudra pas de son corps las et couturé, alors commencera le périple pour retrouver une certaine porte bleue. C’est dans ce deuxième cercle que deux saligauds vont les pister, lui et le chien, puis l’inverse, en un chassé croisé qui n’a rien d’une charge héroïque mais des accents de convoi funèbre, en espérant que justice soit malgré tout rendue.

Dans le troisième cercle, celui du fond, Abel est soldat, du mauvais côté donc, celui des Rebelles de l’armée du sud, qui se battent contre ceux de l’Union et l’idée qu’un homme noir est aussi un homme. Au fond du dernier cercle de la mémoire d’Abel, il y a donc l’enfer de Wilderness, une bataille pour dire toutes les autres, un condensé qui s’avance doucement, par lambeaux pourrait-on dire, avant que lui et ses deux plus proches « amis » ,ne soient plongés dans la marmitte. Brisés, crasseux, déjà avant que n’explose la forêt et la conscience d’Abel, ce n’est pas qu’il y croyait vraiment à la cause de l’inégalité entre les races, mais cela lui permettait d’avancer sans comprendre et sans voir, jusque là.

De cette tuerie initiatique et finale, Abel a gardé quelques souvenirs, comme des petits cailloux qu’il va égrainer au long de son dernier voyage ; un crucifix en os, un médaillon avec une photo, une lettre qui disait la peine d’un soldat d’en face de devoir tuer des hommes, juste parce qu’ils sont dans l’erreur. Celle-là, elle le hante encore et l’image d’une autre jeune femme qui ne fut pas sienne et qui lui donna pourtant sa vie. Elle était noire, et Glenn aussi, un beau personnage de type qui se bat, après le guerre pour pouvoir aimer la femme blanche qui souffre à ses côtés, Helen. Puis, la petite fille et peut-être, pour celui qui était du mauvais côté et qui a voulu l’oublier, la rédemption; allez savoir …

 Un roman superbe, qui prend force et ampleur en même temps qu’on s’enfonce dedans.

 

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