Ceux qui me connaissent dans la vraie vie et qui m’ont vue avec ce livre en main ont eu un sursaut de surprise … (ils ne sont pas beaucoup, deux, en fait) : « Tu lis du D’Ormesson, toi ? », presque dans un hoquet inquiet, redoutant peut-être que ce soit là le symptôme d’une métamorphose radicale qui me changerait en lectrice assidue du « Figaro » voire de « L’expansion ». Je rassure tout le monde, je ne lis pas Jean D’Ormesson, je lis le livre de Jean D’Ormesson qu’Eeguab m’a donné envie de lire, ce qui n’est pas la même chose du tout.
Pourquoi ce sursaut soupçonneux ? J’explique.
Jean D’Ormesson, pour moi, c’est forcément les yeux bleus horizon d' »Apostrophe », ce phraseur lissé dont le verbe faisait le bonheur de Pivot, ces joutes verbales polies de toutes les coutures, l’anti Modiano ( qui, certains s’en souviendront, ne pouvait, lui, articuler une phrase complète, ça me serrait le coeur …), les rayon UV, les pattes d’oie frisottantes là où il faut, l’écrivain de droite qui l’assume, l’admirateur de Chateaubriand, le garant de toute une littérature moraliste et classique ( comprendre ringarde, pour moi, à l’époque) portée par la tradition scolaire et découpée en tranches dans le Lagarde et Michard. Je conspuais Chateaubriand par principe, ne l’ayant jamais lu, et le Lagarde et Michard par expérience subie sur ma chaise de cours, les fesses et l’esprit ankiilosés par la sainte parole du manuel. (Il faudrait que je retrouve le volume consacré au XVIIème, il y avait un truc sur le Télémaque de Fénelon à se rouler par terre). Inutile de préciser que je conspuais aussi en gros, Télémaque, Fénelon, la morale du siècle dit grand et que mes rêves se portaient bien davantage vers l’autre, celui qui disait qu’on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. (Mais est-ce bien sérieux de se coltiner Télémaque à dix sept ans …). Donc, forcément, je conspuais D’Ormesson, logique, je n’en avais pas lu une ligne et j’ai continué depuis cet été, où tout, ou presque, a changé, puisque j’ai lu D’Ormesson. Je possède quand même un livre de lui, son anthologie de la littérature française, qu’un ami farceur m’avais offert et que j’avais vaguement parcourue avant de m’en gausser, je ne l’ai jamais vraiment lue, évidemment, je préfère lire directement Fénelon, à présent ( là, je blague, hein, je peux renier mes ex-ennemis mais sans être maso quand même).
C’est dire si je partais de loin en ouvrant « Au plaisir de dieu », calée dans le transat, sous le regard perplexe de mon homme qui dévorait « La griffe du chien » en me disant : « Mais c’est drôlement bien, ça ». « Ben oui, c’est bien, je te l’ai dit, c’est d’ailleurs pour celà que tu le lis, là maintenant ».
Quant à ce que j’ai pensé du livre, alors là, c’est encore une autre histoire !
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