L’auteure se donne l’ambition de faire revivre Charlotte, Emily et Anne Bronté, enfin, revivre est un bien grand mot, disons qu’elles sont un peu animées sur terrain plat. De la folie mystérieuse de cette famille ( du moins ce que l’on peut en supposer), ne reste ici que des considérations que j’ai trouvées bien trop atones.
On trouve Charlotte en pleine écriture de « Jane Eyre » auprès de son père qui vient de se faire opérer pour retrouver la vue qu’il a en partie perdue. Le père si féru de morale de dieu et si aveugle du coeur qu’il ne voit pas ses filles, même avec le vue retrouvée, il ne voit que son fils perdu … De cet abandon, de cette solitude, Charlotte fait son roman, de l’abandon affectif de son maître en littérature, de son coeur brisé, de la folie de son frère, de son humiliation sociale, de sa quête éperdue d’amour, de liberté, de l’architecture d’un chateau de son souvenir, Charlotte puise Jane. A croire qu’elle travaille par calque, en transparence, comme un puits d’inspiration. Pendant ce temps là, ou un peu avant ou après, de la solitude oppressante de la lande, Emily fait « Les hauts de Hurlevent », de la quasi même façon. Pendant ce temps là toujours, Anne fait ce qu’elle peut, et le frère boit.
De cette drôle de famille, ce livre dit les drames, l’isolement, les pertes successives, le manque qui les ronge, ces filles, le trop plein qui les brûle, en ce siècle si victorien et si prudes, ces filles, et si passionnées en même temps ( du moins leurs livres le sont, si leurs vies ne le sont guère). Le livre le dit mais reste plan-plan quand même. Je veux dire que là où l’on imagine souffles et temblements, murmures contraints et violences intimes, ben, on n’a pas grand chose pour vibrer vraiment.
Même quand Jane ( Charlotte, pardon) est publiée avant les deux autres et connait le succès que l’on sait, entre les soeurs, c’est juste un peu tendu, un moment, et on passe à autre chose. Evidemment, c’était peut-être comme cela en vrai chez les Brontë, on ne s’étripait peut-être pas plus qu’à deux coups de regards un peu griffus, soit. Mais comme ici, c’est un roman, j’aurais aimé plus de sang et de larmes ( comme disait un autre anglais à propos de tout autre chose), que ça saigne quoi ! que ça s’éborgne, que ça se chiffonne un peu plus les veilles robes défraîchies des soeurs vieilles filles.
Pour le sang, la fureur, la folie, la passion, le roman quoi, vaut donc mieux lire ou relire les originaux. Finalement, les soeurs Brontë, elles sont sûrement aussi dedans. En mieux.
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