Mais d’où ce fait-il que j’étais persuadé que « La moustache » était un livre destinée au public adolescent, voire même un classique du genre, moi ? Du genre même étudié en classe, type troisième … Ce qui fait que un jour, bénéficiant d’une offre promotionnelle type trois gratuits pour quinze achetés, j’ai dit au fiston qui me tenait la pile des « achetés » pendant que je farfouillais dans les « offerts » sans rien trouver qui me dise, je prends « La moustache » : tiens fiston, il paraît que c’est très bien, tu verras, ça te changera … Fiston, résigné, le mit sur la pile et oublia, et moi aussi.
Mais depuis « L’adversaire », Carrère m’intéresse. De guerre lasse devant ma pile des pas encore lus, où il n’y avait que des gros, ou des écrits tout petit et que ce devait être un soir où les extraterrestres qui sévissent chez moi avaient piqué mes lunettes à fleurs, bref, d’une main curieuse, j’ai pioché dans les étagères du fiston qui a fait « bof, me dit rien c’uilà ».
Ouf, me dis-je maintenant, je l’ai échappé belle, j’ai des sueurs à rebondissements en pensant que la prof de français du fiston aurait pu lui demander une fiche de lecture sur « le dernier livre que votre mère, soucieuse de parfaire votre ouverture culturelle et votre connaissance de la littérature sérieuse pour la jeunesse, vous a fourré dans les mains, tout cela parce qu’elle ne trouvait rien à lui convenir dans les gratuits proposés ». Mon fils rendant la fiche sur « la moustache », la prof cherchant discrètement mon numéro, chez moi, le téléphone qui sonne, mon homme affolé, qu’est-ce t’as fait avec la moustache du fiston, y’a l’éducation nationale en émoi à l’autre bout du fil, une histoire de disparition de poils pas encore poussés ou alors déjà coupés, tu peux lui dire que fiston est imberbe ? et moi : « Tu n’as pas vu « Crimes exemplaires » le truc génial de Aub ( spéciale dédicace à C.), j’ai l’impression que fiston voulait le lire ? Et je ne trouve plus la glace dans la salle de bain ? Tu l’as changée de place ? Parce que mon dépilateur fait des hoquets étranges … D’ailleurs, j’ai un doute sur l’existence de ma carte de fidélité chez la raseuse de jambes, tu ne veux pas appeler, j’ai comme le monde qui m’échappe. … »
Tout cela pour dire que je n’ai pas vraiment compris ce livre, en fait. Un encore jeune personnage, bien sous tout rapport, parisien, cabinet d’architecture, jolie femme, un peu fantasque mais fort séduisante, un matin une glace, un rasoir et tout dérape. A-t-il coupé sa moustache ou tout simplement, n’avait-il pas de moustache avant de ne pas la couper ? Est-ce sa femme Agnès qui lui fait une blague, lui en veut, a monté un complot, veut le quitter, le tuer ??? est-elle folle ? est-ce lui ? Oui, c’est elle, il la soignera jusque la mort, oui c’est lui, il ne se soignera pas, il ne veut pas finir dans le village à côté de Perpignan où les fous font des rentes aux habitants qui les accueillent. Alors, il fuit, il tourne en rond et il fuit en même temps, ce qui est sûr, c’est que cet homme ne va pas bien … Le périple de cet homme, ses délires paranoïaques m’ont laissée dubitative, je n’ai pas vu où Carrère voulait que j’aille ; ce qui fait que du coup, j’ai fait du surplace.
Quant à la fin, tranchante, c’est le moins que l’on puisse dire, elle m’a fait plus que frémir d’angoisse rétrospective.
Si fiston avait lu ce livre, aurait-il fait le 15 avant que je puisse me justifier ? Non, je te jure, je n’ai pas vraiment voulu que tu fasses des moulinets avec le rasoir de ton père sur ta fiche de lecture, prend plutôt mon dépilateur !
Donc, non, ce n’est pas un livre jeunesse, j’aurais au moins appris cela, et bon, va falloir que je lise « la classe de mer » avant que la folie contagieuse ne me surprenne à le confondre avec un manuel d’organisation pour sorties scolaires …
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