Un Yankee à Gambora, Marius Nguié

 Pas le Congo tout court, le grand, celui de l’autre côté du fleuve, l’ancienne colonie belge, celui des massacres dans la région du Kivu pour la possession et le trafic du Coltan, vous savez le minerai indispensable à nos téléphones mobiles, le Congo ex-Zaïre, celui du dictateur Moboutou … Non, l’autre, le petit, le Congo aussi, l’ex colonie française, celui du dictateur Sassou N’guesso, celui des massacres des milices des différents opposants au dictateur, le côté du fleuve un peu beaucoup mouillé de sang et d’une certaine affaire de pétrole ELF …)

De cette guerre obscure pour bien des raisons ( je ne suis pas spécialiste, je ne vais pas me lancer …), l’auteur, qui semble bien l’avoir vécue, ne retient qu’une ville, une petite ville avec des marchés, une garnison … Gambona, donc. Il retient un moment, quelques semaines ou mois où des soldats ont fondu sur la ville, un moment où les massacres ne sont qu’en toile de fond, un moment un peu calme en attendant que l’engrenage des rivalités ne jette à nouveau les hommes contre les hommes. De ces hommes perdus, il n’en retient qu’un aussi, Benjamin Ngoubili, le Yankee. Yankee au sens du français de coin de Congo, c’est à dire celui qui commis plus de crimes qu’il ne peut en dire, qui les dit d’ailleurs, et ne les regrette pas. Il appartient aux miliciens de Lissouba, président élu et à ce moment là encore au pouvoir, dans le bref intervalle où Sassou N’guesso a dû le laisser, avant de le reprendre. Benjamin, qui aime à se faire apeller « Sous-off » est un coyote (Les coyotes était le nom donné aux miliciens de Lissouba, ceux de Sassou N’guesso, étaient les Cobras, les Ninjas, ceux d’un autre prétendant à la dictature. Cela pourrait faire sourire, sauf qu’ils faisaient rire jaune, ou rouge …).

A Gambora, la vie continue, dans les magouilles de la misère. Benjamin s’est pris d’amitié pour le narrateur, un petit garçon débrouillard, qui devait être l’auteur. Il le fait bénéficier de ses largesses à la mesure de son pouvoir dont il abuse, largesses à la mesure de la misère ; boîtes de conserve de sardines, protection de sa mère lors des contrôles, quelques favoritismes de peu de choses mais qui comptent beaucoup à Gambora et qui le font mal voir de ses amis.

Benjamin est, dans cette ville, comme une bombe à retardement. Tout puissant, aussi ridicule soit-il, jouissant de l’impunité des guerriers, incontrôlable, il fanfaronne, boit, plastronne, se promène d’une fille à l’autre, aussi. Le narrateur s’attache à ses pas, même si est incertain de sa place. Il raconte son enfance esquissée, sa mère, les samedis soirs au café où lui et ses amis boivent une grenadine, presque tranquille à côté de l’horreur qui boit d’impatience de recommencer. Là, j’ai trouvé, est l’intérêt de ce presque trop court récit; il ne s’y passe que de l’anormal, raconté comme normal. Ce qui qui peut faire peur, en fait.

 

Merci à Jérôme d’avoir signalé ce texte.

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