Un dernier Vargas acheté le jour même de sa parution, dévoré en deux jours et pas de note écrite dans la foulée. A vrai dire, parce que je ne savais quoi en dire, ce qui fait que quelques mois après, j’en sais encore moins. J’attendais que ça décante ou fasse pschitt, et finalement, rien ne bouge. Mais comme il faut bien que je finisse par ranger ce livre dans les nouvelles étagères prévues à cet effet, tant pis pour la clarté de ma pensée …
Je n’arrive donc pas à me faire une idée claire : je suis déçue ou je ne suis pas déçue ? Ben non, pas complètement, mais il y a quand même un peu de ça … Déjà, parce que je me pose la question, or, normalement, moi Vargas, je gobe. J’avale tout, les errances adamsbergiennes, les tribulations obscures de l’enquête, le bestiaire qui tourne à la ménagerie fantasque, les intrigues foutraques qui retombent malgré tout sur leurs pattes bancales.
Comme d’habitude, on part ici de loin et de pas grand chose. Une histoire de lettre postée in-extrémis avant le faux suicide de l’émettrice, une vieille dame, Alice Gauthier. Une vieille femme sans histoire aucune. Le destinataire lui-même ne la connaissait pas. Amédé Masfauré, qu’il s’appelle et Alice lui annonce des révélations sur la mort de sa mère, dix ans auparavant. A Amédé, on lui avait dit qu’elle était morte de froid sur une île rocher, lors d’un voyage en Irlande. Pour l’Islande, c’est sûr, la mort aussi, le froid aussi, le rocher, pareil, mais c’est sur le « morte de … » qu’Alice veut se libérer de certaines confidences, avant de mourir (parce qu’avant qu’elle se suicide pour de faux, elle était déjà condamnée, en fait). Ce qui fait que une condamnée à mort qui se suicide avant d’avoir fait ses révélations qu’elle voulait faire in-extrémis encore, et qui plus est sans avoir terminé son puzzle de mille pieces reproduisant un tableau de Corot, alors qu’elle avait commencé par le ciel, et que le ciel, c’est le plus dur, c’est louche …
Après, bon, ben après cette constatation digne des circonvolutions policières peu orthodoxes des vagabondages à la Vargas, ça se complique, à cause de Robespierre et du démon de l’île islandaise qui appelle Adamsberg du plus profond de sa voix maléfique … Et de deux ou trois autres trucs que je vous passe dont une histoire de signe runique et de guillotine … Un mélange improbable, donc, dont Vargas sait tirer les ficelles, sans qu’on y croit une seconde, ce qui n’a aucune importance, tellement on se régale, normalement.
Normalement. Mais j’ai le régal qui a coincé. D’abord, à cause des dialogues, si efficaces chez Vargas d’ordinaire, tant ils ne sont pas informatifs, plutôt loufoques et décalés et parfaitement jouissifs. Et bien, là, ils sonnent fabriqués, ils cherchent le bon mot, la bonne chute, le bon décalage, et ils se voient y arriver, comme si Vargas se regardait les écrire.
Mais, il y a pire, elle a touché à Danglard. Danglard, c’est mon nounours en plume, l’encyclopédie faite homme, l’assurance anti tangage qui se noie dans le vin blanc pour rester droit …Que le fidèle des fidèles d’Adamsberg, se sente tenté par la trahison, je n’ai pas aimé. Mais vraiment pas. Pourquoi pas faire de Camille une amoureuse transie, tant qu’on y est ?!
Donc, paradoxale, je suis, j’avoue … Déçue que Vargas fasse du Vargas et déçue qu’elle sorte un personnage de ses rails … Je vais juste attendre le prochain du coup. Mais promis, si Adamsberg devient cohérent, je me fendrai d’une ridicule lettre de protestation véhémente et désespérée.
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