En refermant ce livre, une seule phrase me cogne à la tête, « tout cela pour ça … »
Cela : un huis-clos neigeux et morbide. Une matinée de Noël, Holly se lève plus tard que d’habitude (pour ma part, je ne vois pas trop la gravité du truc, mais bon, j’admets pour les besoins de la tension narrative, je suis bon public), un abus de lait de poule la veille au soir l’a conduite vers cet écart. Le mari lui aussi, jette les couvertures, il file chercher ses vieux parents à l’aéroport. Et voilà Holly seule avec sa fille, qui dort encore, elle.
Le drame commence : les rituels habituels de Noël sont en danger, les cadeaux n’ont pas été ouverts, le repas risque de ne pas être prêt (alors que tout a été acheté la veille tout préparé, c’est Holly même qui le dit dans sa pourtant panique, elle n’a plus qu’à mettre le rôti dans le four et à le laisser cuire …). Cette cuisson, qui dans la vraie vie n’a strictement aucun intérêt, devient alors l’objet d’une narration à rebondissement. Comme quoi, chez Kadischke, même un rôti peut devenir spectral et support d’un suspens finalement assez surréaliste.
D’ailleurs, rapidement, tout devient spectral dans cette maison, où Holly se démène avec le rôti (je sais, je me répète, mais je ne suis pas la seule, l’auteure aussi), et une phrase qui lui cogne à la tête : « Quelque chose les avait suivi depuis la Russie ». Il se trouve, qu’en effet, sa fille adoptive, Tatiana, ancienne Sally (un nom de poule blessée), vient d’un orphelinat sibérien où des enfants sont « offerts » à des couples d’américains, comme Holly et son mari. Cet orphelinat devient l’objet de toutes les suspicions de cette mère qui, au fil de la journée, et de son combat avec le rôti, reconstruit ses souvenirs, tout en essayant de faire obéir ce bébé Tatie, devenue adolescente agressive.
Tatiana se dérobe sans cesse, enfermant sa mère à l’extérieur de sa chambre, cette chambre où elle passe son temps à changer de robe de Noël ; la noire, la rouge, la rouge, la noire. Pendant ce temps là, la guirlande clignote quand ça lui prend, les invités se désistent entre deux coups de téléphone d’un inconnu injoignable. (donc, en plus du rôti, se méfier des portables aussi, ils peuvent cacher des fantômes qui les transforment en plaque électrique ou en tapis volant trucideurs de verres à eau).
Huis clos, tension du passé, objets à la limite du malveillant, point de vue qui vacille et tangue vers la folie, délire d’interprétation ménager qui vous fait douter de toute conclusion logique possible, on a tous les ingrédients habituels de l’auteure. Et pourtant, ce que je retiendrai principalement de cette lecture ( qui en plus, m’a fait reposer sur le présentoir de ma librairie habituelle, le « Mudwoman » de Oates, que l’amie A. m’a dit être excellent …), c’est que, la prochaine fois que je mets un rôti à cuire, je l’enferme à double tour dans le four pour éviter qu’il ne me saute à la gorge.
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