A vrai dire, si je veux être honnête et bien faire mon Mea culpa, il s’agit du premier et du seul livre de cette auteure que j’ai lu en entier. Les autres, les deux ou trois que j’ai ouverts et systématiquement refermés avec moult soupirs exaspérés, m’avaient conforté de solides préjugés (j’ai le préjugé facile), contre le parangon du parisianisme pontifiant et surfait de l’autofiction dont Christine Angot me semblait ( semble ?) représenter.
Mais voilà, d’un côté, il y avait mon amie A.P. qui me lorgnait du col sur ce coup là, et Sandrine, le coup de pouce qui me fallait. Lunettes arrimées sur le nez et mauvaise foi en bandoulière, un soir, je me suis lancée et j’ai plongé dans une stupéfaction quasi béate …
Quoi ? Point de phrases courtes à l’ellipse systématique, point de constructions nominales avec points d’exclamations obligatoires. Foin de cet halètement douloureux de l’enfance violentée au pathétique exacerbé qui me laissait de marbre ? ( j’ai l’âme stylistique rude au pathétique essouflé, je le reconnais …).
Au contraire, une retenue narrative, simple et fluide, plante le tableau d’une histoire à la fois banale et singulière, la rencontre improbable dans un Châteauroux plus provincial que nature d’une jeune fille, Rachel, et d’un jeune homme. Elle est douce et dactylo, il a trop lu Nietzsche. Il vient d’une famille parisienne où l’on se targue de culture et de carrière. Ils dansent un bref duo. Ce sera la parenthèse de la passion, il aime sa peau et ses mains. Elle aime tout. Elle rêve, il tranche, il l’épousera pas, il part, n’importe, elle garde l’enfant.
Commence alors le temps de l’attente pour Rachel et de l’amour pour Christine, petite fille banale et choyée de la tendresse de la grand-mère et de l’oncle, dans une banlieue pavillonnaire où l’on se promène le dimanche et où l’on va à l’école la semaine, sans faire plus d’histoire que cela de l’absence du père. Une petite fille qui n’est pas encore une écorchée vive et une mère qui espère malgré tout, le temps d’une lettre, d’un passage rapide, de quelques jours de vacances, une forme de reconnaissance. de celui qui a épousé ailleurs et se fait une carrière loin d’elles.
Évidemment, plus tard, vient le moment du désamour et du mépris, quand tombe le piédestal de la figure maternelle et le couperet de l’inceste révélé. Mais même si l’auteure ne s’épargne pas le mauvais rôle, s’égratigne et se ronge les croûtes, c’est sans trop de délectation et la descente de l’amour fusionnel vers l’enfer intime se fait sans roulades excessives dans la fange. Le père est odieux. La mère fragile. La fille raconte ces impossibles amours déviés.
Et voilà, j’ai fini et apprécié un livre de Christine Angot, comme quoi ….
Merci à l’amie A.P. et à Sandrine. (qui organise une journée dédiée à la littérature française dans le cadre de l’Europe des écrivains)
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