Le chardonneret est un tableau minuscule, peint par un illustre inconnu, Carel Fabritius, en 1654. Le chardonneret est aussi un pavé, écrit par une auteure à succès. Comment passe-t-on de 33, 5 cm de haut et de 22.8 cm de large, à 1100 pages ?
En créant un destin à un personnage.Théo Decker se retrouve en possession du tableau lors de dramatiques circonstances, possession illicite qui le mène, quatorze ans après à tenter de combler le vide du sens de ses vicissitudes, celles d’un imposteur tombé amoureux d’un oiseau peint et d’une petite fille, Pippa, qui sans cesse lui échappe alors qu’il pensait pouvoir la toucher, comme lui échappe le mystère des plumes de l’oiseau peint.
L’histoire de Pippa et Théo commence en même temps que celle de Théo et du chardonneret, dans le moment de l’explosion d’une bombe au milieu de l’exposition à New York des « Arts du portrait et nature morte : chef d’œuvres nordiques de l’âge d’or ». Juste avant, il y a eu la mère de Théo qui a voulu jeter un dernier coup d’oeil à « La leçon d’anatomie », juste avant encore, il y a eu le trajet en taxi, si chaotique qu’ils se sont retrouvés à l’entrée du musée, au lieu d’aller où ils devaient aller, avant encore, il y a eu la bêtise de Théo qui fait qu’ils auraient dû aller directement à la convocation du directeur du collège, avant encore, il y a eu la pluie, et le portier de l’immeuble, Goldie, qui a justement arrêté du bras ce taxi là … Ce jour-là, cette pluie-là, ce taxi là, ont mené Théo à cette petite fille là, celle qui tient à la main un étui de flûte traversière. dans le musée, elle est accompagnée de son grand-père, celui qui va mourir à côté de Théo, alors que le corps de sa mère sera loin de lui. En échange, il aura le chardonnet et les quatorze ans suivant pour continuer à survivre.
Voilà, c’est juste le début, et voilà juste ce que j’ai beaucoup aimé dans ce roman, cette imbrication des dominos, c’est drôlement bien ajusté, sans aucun faux plis mal seyants. C’est livre drôlement bien coupé, tout morceau sert à quelque chose, même le bras levé du portier du départ est une pièce qui trouve sa place, juste agencée à sa juste mesure.
La voie de Théo, pendant quatorze ans, prend un tour chaotique, un penchant à la chute qui est tracée d’avance, comme un cordeau, pour y imbriquer les excès d’une culpabilité qui le ronge et les meurtrissures de l’amour perdu d’avance entre le premier regard de Pippa et le dernier de sa mère. Drogues, cuites, les ors factices du ciel trop bleu de Los Angeles, les amitiés délinquantes, les coups de triches, les abus de confiance, les trahisons, et j’en passe … sont les pièces qui se suivent et s’enchainent, seul reste le chardonneret, comme une porte vers un paradis moins artificiel.
C’est donc drôlement bien fichu, mais aussi, finalement, un peu creux, un peu long aussi, pour aboutir à une conversion mystique aux mystères de l’art et la prise de conscience que la vie est brève et qu’il serait mieux de la vivre avant de la perdre.
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