Lila est l’amie prodigieuse d’Elena : prodigieuse car modèle et rivale, complice et bourreau, prodigieuse, car Lila se donne tous les droits, qu’Elena suit comme de nouvelles lois, même si elles ne sont pas toujours fiables.
Elles sont filles de familles très modestes, dans la banlieue de Naples, et elles n’ont jamais vu la mer. Leur milieu est tout petit un quartier, quelques immeubles, la violence banale, la promiscuité des rancœurs, des appartements. Leurs mères sont fanées depuis longtemps, les pères sont vendeurs de fruits et légumes, épiciers, menuisiers. Le père d’Elena est portier à la mairie, celui de Lila, cordonnier. De petites vies où aucun rêve ne vient briser les chemins tracés des garçons, qui mettront leurs pas dans les pauvretés de leur père, et les filles les leurs dans les rides de leur mère.
Lila est autre. A l’école, elle défie les règles et comprend plus vite que les autres, sans aucune bonne conduite, elle ne suit pas les codes. Elena est la jolie poupée blonde, bonne élève protégée par la maitresse, pourtant rude. Lila est la petite maigre souillonne. Et pourtant, dans la poussière de la cour de l’immeuble, les deux fillettes se frôlent d’amitié, chacune de son côté du soupirail, et cela devient pour toujours, ensemble.
Comme on ne voit jamais Lila que par les yeux et les mots d’Elena, on ne saura jamais vraiment ce que voulait vraiment l’amie prodigieuse, si l’inconditionnelle admiration, stimulation, entre les deux est véritablement le partage de cette volonté de sortir du milieu qui les contient autant qu’il les retient. Sans doute que oui, même si les chemins pour y parvenir se séparent : Elena suivant le chemin des études, vaille que vaille, alors que Lila, prisonnière du quartier, se crée d’autres rêves …
Grandir, changer, se mépriser, se trouver laide, apprendre la latin, le grec, entourée de la peur de l’échec, contre l’atavisme social, et contre son propre découragement ; pour Elena, sortir du quartier, c’est aussi s’éloigner de Lila, ne plus vraiment la comprendre, mais comprendre, par contre, le mépris des jeunes garçons riches pour ses amis à elle, comprendre qu’il y a des frontières, que le chic des filles du quartier n’est aux yeux d’autres que vulgarité criante, que même Lila endosse le rôle de la Barbie, en quête d’une autre voie que la sienne.
Plus que l’histoire de l’amitié, ce qui retient l’attention dans ce livres est son évolution, qui suit celle de leur quartier, de l’immédiate après guerre, à des années un peu plus d’abondance, où l’on peut rêver de robinet à eau chaude et de baignoire.
Il semblerait que la suite vienne de sortir, à en croire les blogs que je suis, avec toujours un certain retard ….
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