Dans ce quartier de Détroit, les femmes sont au foyer comme les hommes sont au travail. Les gens de couleur sont cependant au bout de la rue, et cela change tout, ou plutôt, car ils la menacent de changer un équilibre qui n’était confortable que par conformisme aux apparences, dans la petite communauté des voisins d’Adler Avenue.
Dans trois des pavillons similaires les uns aux autres du quartier, presque mitoyens, trois femmes attendent que la voiture des maris se gare dans l’allée. Malina Herze, surtout, plus que les autres.
M. Herze est en retard et ce retard, Malina en est persuadée, montre à tout le quartier sa honte cachée depuis des mois ( des années ?). En effet, il est jour de paie, et les jours de paie, tout le quartier sait que des femmes de couleur attendent les hommes à la porte de l’usine. certains disent même qu’elles se montrent les seins nus. Mais aucune femme d’Adler Avenue ne l’a jamais vu, elles ne doivent pas savoir ces choses là. M. Herze est chef, il est respectable, mais sur ses chemises, s’accroche une odeur, l’odeur de sa poule. Et il est de plus en plus en retard.
Alors Malina fait ce qu’elle ne fait jamais, elle prend sa voiture, un marteau dans le garage, dont l’emplacement est soigneusement marqué par les contours sur le tableau des outils, et sort, croise un voisin, arrive à l’usine.
Le lendemain, une femme de couleur est retrouvée morte derrière l’usine. Le meurtre remue le petit monde des pavillons. Mais il y a la vente de charité à organiser, les vêtements à collecter, les gateaux à confectionner, les glaçages à lisser. Alors, on met le meurtre sous nappe, sans vraiment l’oublier. Le monde des dames ne s’occupe de ces choses là.
Julia et Grace font partie des dames mais elles sont plus amies que les autres. Grace est blonde, genre Grace Kelly, le charme élégant et la gentillesse associée. Elle attend son premier enfant avec plénitude. Julia a des formes pleines qui tendent son chemisier, relèvent sa jupe, des cheveux roux qu’elle n’arrive pas à lisser selon les exactes convenances qu’elle tente de suivre malgré son corps qui ne convient pas. Les deux ont des maris forts, rassurants, qui rentrent à l’heure et qui ne leur font pas peur.
Sauf que Grace est plus heureuse, car son premier enfant, Julia l’a perdu. La douleur qui la hante sera un des fils qui nouera le drame à partir de la disparition d’une jeune femme, blanche cette fois. Une jeune protégée de Grace, un peu simple d’esprit, qui habite à deux maisons, comme tout le monde d’ailleurs, dans ce quartier si bien calibré.
La proximité spatiale et temporelle de ces deux drames met en évidence la différence de leur prise en compte par la communauté et les autorités : si le premier alimente les phantasmes troubles, les second met en action les bonnes consciences et les bonnes volontés. Cet écart conduira à des vengeances sourdes et silencieuses sans faire éclater pour autant la bulle de l’hypocrisie.
Mélina, qui n’a pas si bonne conscience que cela, ni un mariage si lisse qu’il n’y parait, glisse vers une forme inquiétante de distorsion d’un réel qui lui échappe, alors que Grace et Julia se verront encerclées par des culpabilités qu’elles ne peuvent mettre à jour, contrainte par les cadres du mariage et les codes de la maternité.
En somme, des femmes qui veulent juste se fondre dans le moule de leur mari, de leur morale, à défaut de justice.
Tu as aimé ? J’ai lu Les secrets de Bent Road, qui m’a déçue malgré un a priori très positif (il avait dû m’être recommandé par un/e lecteur/trice de confiance…). Le début était alléchant (chronique d’une famille plombée par un lourd secret dans la ruralité des années 60), mais l’intérêt retombe très vite, faute de rythme…
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Entre les deux, oui pour le tableau de ces femmes, coincées dans leur quartier et leurs attentes, les caractères sont bien rendus, on a l’impression d’étouffer avec elles, moins pour l’intrigue, un poil négligée. En tout cas, je retiens de ne pas lire Les secrets de Bent Road !
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Je garde un très bon souvenir de ce roman, pas tant pour l’intrigue en elle-même que pour l’atmosphère et la façon dont Lori Roy fait craquer le vernis des apparences.
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Je te rejoins, l’intrigue n’est pas ce prime dans ce roman, d’ailleurs, je me suis laissée aller à complètement oublier la recherche des coupables … par contre, l’atmosphère est poisseuse et trouble à souhait.
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Ma femme l’a lu et aimé et depuis il traîne près de ma table de nuit. Yapluka !
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Je me demande quand même si ce n’est pas plus un livre de nanas …. Mais bon, depuis que tu t’es mis à lire de vieilles anglaises, tout est possible !
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