D’un côté, deux sœurs, un frère. Tous les trois vivent à Londres, dans la grande maison cossue de leur enfance, y sont amassés les souvenirs de leurs parents disparus, les livres pour le père, les chiffonniers pour la mère. Une atmosphère bon enfant y règne dans une bonne entente intellectuelle. Une tante vient parfois donner la réplique mais les deux jeunes filles bénéficient d’une aisance financière qui leur permet une indépendance d’esprit et de caractère (mais pas de mœurs, faut pas pousser quand même !). Tibly, le frère, est le plus jeune, il acquiert de la matière en cours de narration par contre, les deux sœurs, Margarete, l’aînée, et Hélène, sont déjà fin prêtes pour l’histoire qui commence. Dans leur milieu londonien, elles respirent à leur guise l’air de la littérature et des concerts, des débats entre relations. Si il ne peut être question de féminisme, elles en sont quand même aux prémices. C’est le clan des Schlegel, d’origine allemande, il incarne aussi une forme de cosmopolitisme politique (fort discrètement, époque oblige).
L’autre clan, les Wilcox, est de pure souche anglaise. Ses membres sont de ceux, réalistes et pragmatiques, qui font tourner le monde sans se poser la question de l’adéquation des actes et du moi intérieur (débat qui agite nombre de conversations entre les deux sœurs Schlegel, par contre). Ils vont, droits dans leurs bottes anglaises. Le père dirige entreprise et famille : Charles, l’aîné, Paul, le cadet, Evie, d’âge indéterminé, Ruth, la mère, est la seule énigme de cette famille, à la fois d’une classe folle et d’un conformisme peu exigeant.
Le seule caprice de Ruth est sa maison, Howards End, un petit domaine bien à elle, une grosse ferme inconfortable selon son mari, qui respecte cependant son goût pour ce jardin, son jardin secret, sûrement.
Les deux familles se sont rencontrées à la faveur d’une excursion en Autriche, s’en est suivie une invitation que seule Hélène a pu honorer, et sur elle, le charme opère. L’ormeau, les églantiers de la haie, la vigne qui court sur la façade, le théâtre de la campagne anglaise et de ses hôtes envahissent la fantasque sœur, au point qu’elle ne s’offusque même pas que ses opinions soient quelque peu moquées, voire ignorées. Et le soir est doux à Howards End, au point que les lèvres de Paul et d’Hélène s’effleurent fugacement. Le cœur s’emballe et c’est trop tard, il faut faire marche arrière.
Les trains, télégrammes, lettres se succèdent, enchainant malentendus et frustrations, incompréhensions réciproques. Attention, le rythme est loin d’être trépidant, et c’est insidueusement que ce baiser tisse un réseau de relations sous jacentes. Tellement sous jacentes d’ailleurs, que parfois on ne les voit pas venir.
La plume de Forster est de même que son intrigue, toute en circonvolutions et méandres qui mènent les personnages, et surtout les deux sœurs, sur des pentes moins insouciantes, où les actes de pitié envers de moins favorisés admirateurs, ont des échos et des chausses trappes invisibles à l’œil nu.
J’avoue que je m’y suis parfois un peu languie, un peu reprise à deux fois pour relire le moment de la circonvolution, avant de tourner la page. Il faut dire aussi que c’est une lecture de fin d’été, au moment où les choses tournent à autre chose et que ce type de rythme en pati, forcément. Mais je reviendrai vers cet auteur, avec Maurice ou La route des Indes.
J’avais aimé cette lecture et encore plus le film de James Ivory. L’as-tu vu ?
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Je n’ai pas encore vu la version d’Ivory, je l’ai de côté pour bientôt, un soir où je pourrais le savourer peinarde. Mais je crois que sa version de l’histoire est assez différente, il fait de Ruth et Margaret des amies, ce qui n’est pas vraiment le cas dans le roman. Peu importe d’ailleurs, c’est Ivory, donc, c’est forcément bien !
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Auteur lu en juin (mois anglais) et je compte bien y revenir (mois anglais, oui!)
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Il faudrait que je m’inscrive au mois anglais, j’y pense à chaque fois, et puis j’oublie, c’est bête ! je lis déjà pas mal d’auteurs anglais, mais j’ai souvent puisé de nouvelles idées dans les publications de ce mois spécial, bien placé, en plus, juste avant les vacances.
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Un de mes auteurs préférés donc je ne saurai trop te conseiller la lecture de Maurice et de Chambre avec vue et de voir les adaptations au cinéma de James Ivory.
Et puisque c’est la journée du blog: merci et bravo et … à bientôt 🙂
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Je ne mentionne pas Chambre avec vue dans mes prochaines lectures de cet auteur, parce que je l’ai déjà dévoré ! L’adaptation est dans mes films cultes. D’ailleurs, je ne saurai dire lequel des deux je préfère, je trouve que c’est un des rares exemples où l’adaptation est au même excellent niveau que l’oeuvre originale. C’est dire si je lirai Maurice et les autres avec plaisir, et revoir Ivory est toujours un bonheur.
C’est comme du Maurier ou Austen, même quand c’est moins bon, c’est bon …
La journée des blogs, je ne connais pas par contre !
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J’adore Forster… et j’avais adoré celui-là aussi. Il m’en reste 2 à lire de l’auteur. Je pense. J’espère!
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J’espère aussi qu’il m’en reste plus que deux ! Je n’ai pas vérifié sa bibliographie encore, parce que je vais prendre le temps d’étaler mes lectures.
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vrai qu’il faut accepter d’aller lentement, je l’ai relu récemment avec grand plaisir mais je suis un peu partiale avec cet auteur 🙂
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Je pensais avoir le temps de le terminer avant la reprise, car j’aime beaucoup goûter cette lenteur là, cette belle lenteur des phrases qui alambiquent les sentiments !
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Un auteur que je dois lire mais je n’ai encore rien lu. En revanche, j’ai vu plusieurs adaptations de Ivory et elles sont charmantes même si elles sont très classiques.
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C’est un classicisme que j’apprécie beaucoup, pour les deux auteurs, et vraiment les deux se complètent parfaitement !
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