Ils vont tuer Robert Kennedy, Marc Dugain

Je passe devant mon homme, le livre à la main. Mon homme : « Je veux le lire celui-là ! » Moi : « Mais tu connais déjà l’histoire ! » Lui : « Me spoilie pas, les méchants vont tuer Robert ? » Moi : « Et Jack et Martin, aussi, désolée ». Lui :  » Et dire qu’on nous cache tout …  » (le spoilie, c’est exprès, ça le fait rire, le reste aussi d’ailleurs …). Ben oui, la seule énigme dans ce roman, est qui sont les « Ils », les « méchants », sauf que ça aussi, on le sait déjà.

Du coup, pour renouveler le regard sur cette enquête déjà cent fois menée et mille fois racontée, de ces décennies de plomb, qui voient tour à tour tomber deux idoles et une autre en passe de le devenir (Robert), Marc Dugain construit un personnage d’universitaire un peu sur le retour et surtout complètement paranoïaque. Depuis toujours obsédé par les Kennedy, il est également persuadé, et s’acharne à le prouver malgré l’évident scepticisme de ceux qui le supportent radoter, que la mort de ses deux parents est liée à l’histoire des deux meurtres des Kennedy (pas celui de Martin, ouf ! C’est déjà assez tarabiscoté comme cela) . Son père et sa mère ont été tués ou suicidés à cause ou en conséquence, du drame national et international.

Lier l’ histoire personnelle et la grande, pourquoi pas, ça c’est déjà fait, mais ici, l’écart entre les deux est tellement énorme, tant sur le plan idéologique, que social, que géographique, que franchement, c’est à se torturer l’écriture et la lecture. Mais bon, le personnage est parano, je me suis dit, ça justifie … Sauf que les grands coups de paranoïa, faut les soutenir avec le récit de la dynastie Kennedy, et c’est là où ça casse !

Le docte universitaire nous livre en longs détails précis, les étapes de la gouvernance de Jack, puis celles qui ont mené à son assassinat, puis celles de l’assassinat de son frère. Il se glisse dans la lecture des pensées de celui qui ne voulait plus n’être que le double, ou le petit frère, qui prend quand même Jackie comme maîtresse et le pouvoir comme seul avenir possible. Il nous refait le coup du complot, de l’enquête malmenée, du méchant Hoover, manichéen et manipulateur à la petite semaine (alors que La malédiction d’Edgar lui avait donné une amplitude bien plus complexe …)

Bref, comme tout le monde, je connaissais déjà l’histoire, j’attendais l’histoire à la Dugain. Déjà le paranoïaque qui rend les articulations incohérentes, je voulais bien, mais quand même, trop, c’est trop, son enquête n’accroche pas au réel alors il se répète, et c’est vraiment lassant, les raccourcis se succèdent comme celui de la CIA qui aurait favorisé l’usage des drogues dans le milieu Peace and Love pour mieux suicider la contestation d’une jeunesse, la dilution d’une nouvelle société possible, incarnée par Robert.

Je n’y connais pas grand chose, mais trop de manipulations occultes finissent par dissoudre la vraisemblance : les circonvolutions du père du narrateur  m’ont laissées esbaudie , psychiatre spécialisé en hypnose, il aurait été sauvé par les services secrets britanniques d’un procès orchestré par une partie non épurée de la résistance française … Et je vous passe la complicité de sa mère avec les milieux terroristes irlandais.

A tout mettre dans le même pot, le pot déborde.

 

17 commentaires sur “Ils vont tuer Robert Kennedy, Marc Dugain

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  1. J’ai lu les mêmes réticences je ne sais plus où. Dommage, j’aime bien quand Dugain s’inspire de la politique et de l’histoire. Je me rattraperai avec sa trilogie « présidentielle »…

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    1. Je n’ai lu que le premier de sa trilogie, je n’ai pas eu envie de continuer parce que j’avais ressenti la même overdose de paranoïa, et de trop, c’est trop, dès le premier tome. Sur ce titre, je pensais retrouver le Dugain que j’adore, celui de La malédiction d’Edgar ou de L’avenue des géants, ou de L’insomnie des étoiles, ou encore de Une exécution ordinaire, celui qui sait vraiment mêler l’intime et l’histoire … Je ne pense pas m’ être lassée, je pense que c’est pire. Je crois que cet auteur s’enferme dans le documentaire, oublie le romanesque … j’ai terminer le livre avec beaucoup de soupirs. les mêmes que mon homme, qui était pourtant impatient de lire ce titre.

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      1. Oh, là, là, du coup tu me coupes un peu l’envie de lire sa trilogie… tu me diras, ce n’est pas un mal, ça m’évite de perdre du temps, et ça allège ma loooonnnnngue liste de souhaits !

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    1. Si tu repasses par ici, tu verras toutes mes réticences envers également cette trilogie dans le commentaire précédent … En tout cas, super déçue par ce titre. Je me disais même à certains moments que les lecteurs de chez Gallimard avait la vue qui baissait pour ne pas remarquer autant de répétitions ! Le coup de la drogue orchestrée par la CIA, par exemple, apparaît au moins trois fois, sans compter d’autres considérations sur le rôle de la mafia dans l’élection de John …

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  2. Dommage, j’aime beaucoup Dugain. C’est un peu une valeur sûre pour moi et je me réjouissais de son petit dernier. Bon, il m’en reste pas mal à lire de lui, je m’en remettrai.:-)

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    1. Oui, j’avais vu cela … Et tu as presque failli me convaincre de lire le deuxième tome, finalement ! Et puis, j’ai relu ma note sur le premier, et je me suis dit que non, finalement, je n’y croyais pas. Et s’il t’en reste à découvrir, je suis curieuse de voir ce que tu en penseras. Pour moi, il y a un avant la trilogie et un après. Mais j’espère bien me tromper et à nouveau apprécier cet auteur.

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  3. J’ai beaucoup aimé certains Dugain (L’avenue des géants, L’insomnie des étoiles… ) et le titre était tentant, mais bon, là, la barque semble un peu trop chargée. 😉

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