Mais dans ce deuxième roman de Franck Bouysse, il n’y a pas de neige, en fait. L’auteur a changé de saison en plus que de région. Reste le hameau déserté, la campagne sinistrement bruissante de solitude et d’abandon, les taiseux qui ont gardé leur secret. Pour le ressortir, c’est trop lourd et de toute façon, c’est trop tard. En réalité, c’était trop tard dès le début. Et en plus, le secret, il va ressortir tout seul, la mécanique est déjà remontée quand le livre commence.
Donc, même mécanique, même tension, même efficacité que dans Grossir le ciel, mais avec un peu plus de personnages, noués ensemble par des fils qui vont leur faire se casser la figure, genre boule de bowling ou jeu de massacre.
Virgile est né sur le plateau, paysan ancré dans un temps qui s’est écoulé et l’a laissé vieux et taiseux comme il se doit. En plus, il est en train de devenir aveugle. Sa femme, Judith, tendrement aimée, se perd de plus en plus souvent dans les brumes d’Alzheimer. Sans enfants, ils ont quand même un héritier, Georges, leur neveu, recueilli après la mort accidentelle de ses parents. Il vit dans une caravane, sur la partie de la ferme qui leur appartenait.
En face de la caravane rangée au cordeau, est la maison où il a vécu, enfant. Il n’y est plus jamais rentré depuis l’accident. Il avait quatre ans. Il en a quarante. C’est dire le George va avoir de la poussière à soulever dans cette histoire.
Pas loin, il y a la maison de Clovis, celui qui est mort gelé à quelques pas de chez lui et qui n’avait jamais beaucoup parlé, non plus, de son vivant. Karl a pris sa place. Il n’est pas du plateau, pourtant Virgile l’a adopté. Ce qui fait qu’ils partagent un désaccord, Karl croyant en dieu et Virgile non. Bon, ça ne donne pas des dialogues philosophiques non plus, hein … Judith n’aime pas Karl, elle dit qu’il faut s’en méfier. Comme quoi, la maladie lui a laissée assez de flair pour sentir la rage et la violence d’un homme qui cherche pourtant, dans la solitude du plateau, une forme de rédemption.
La situation est donc tendue, mais sous contrôle, quand Coralie, la nièce de Judith, trouve asile dans le hameau pour échapper aux coups de son ex, l’homme torture … Et c’est où la mécanique se met à tousser quelques bouffées de frustations …
Ce huis clos rural ne laisse pas non plus son lecteur s’échapper, même si les dialogues sont parfois si elliptiques, voire sybillins, qu’on ne comprend guère comment les personnages peuvent entendre autant de sens caché dans si peu de mots … Par contre, les descriptions de paysages et de lieux sont de vrais couvercles où les mots pèsent leur poids lourd. L’un compensant l’autre, finalement …
le poids des silence du monde rural, tu le racontes si bien, je suppose que ce livre t’a inspiré!
J’aimeJ’aime
Merci, il se trouve que ce silence et ce poids, je les connais quelque peu, pour avoir vécu un certain temps en Lozère …
J’aimeJ’aime
Et tu as aimé, ou pas complètement ? J’avoue avoir préféré Grossir le ciel à Plateau, où la barque m’a semblé trop chargée…
J’aimeJ’aime
J’ai préféré Grossir le ciel également … Le silence y était pesant, mais ils n’étaient que deux … Là chaque personnage y va de son secret, et effectivement, chaque pèse son poids …
J’aimeAimé par 1 personne
Je n’ai jamais lu cet auteur mais Plateau avait été beaucoup mis en avant dans les librairies comme une réussite à sa parution. Ça m’avait intriguée, je l’avais noté sur ma LAL, et puis je suis tombée sur quelques avis mitigés, du coup ce n’est plus une urgence. Ce que tu en dis ne me motive pas davantage. Ça m’a l’air assez pesant comme ambiance.
J’aimeJ’aime
Si tu te laisse tenter par cet auteur, je rejoins Katel, Grossir le ciel, le premier, est lourd aussi, mais la description du silence est très belle, très pesante, mais très belle …
J’aimeJ’aime
Après le choc de « Grossir le ciel », je comptais bien remettre ça avec « Plateau ». Tu confirmes!
J’aimeJ’aime
Je l’ai dévoré en quelques heures, complètement captée par l’histoire, et puis après, tu ye dis que quand même, les personnages frapadingues, il y en a quand même beaucoup sur le même périmètre désertique …
J’aimeJ’aime
Je crois que je vais en rester à grossir le ciel. Je vois trop de barques trop chargées en ce moment dans les romans qui passent entre mes mains, je n’ai pas envie d’enfoncer définitivement le clou de la noirceur avec celui-ci.
J’aimeJ’aime
Surtout que comme noirceurs est au pluriel ….
J’aimeJ’aime
J’ai beaucoup aimé Grossir le ciel donc je lirai celui-là un jour ou l’autre.
J’aimeJ’aime