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Philou , Philippe Jeanada, lors de la présentation de ses coups de coeur à « Jardins d’hiver ». Emportée par ma Jeanadamania récente, je me suis attaquée à ce journal intime qu’il disait bouleversant, avec un enthousiasme de néophyte en épistolaire pour de vrai.
Et je fus rapidement douchée. En effet, je n’avais pas réalisé qu’un vrai journal intime n’est pas fait pour être lu par quelqu’un d’autre que celui qui l’écrit pour lui même et qui n’a donc nul besoin de s’expliquer à lui même, qui est qui. Denise, Nicole, M. Aubrun, Jean Paul et tous les autres proches d’Hélène me restaient donc obscurs, trop pour voir qui elle était, elle.
Il y a bien quelques précisions entre crochets de l’éditeur pour donner un minimum de liens avec la rédactrice et quelques notes de bas de pages pour donner à certaines dates le sens des lois anti juives promulguées par Vichy, mais c’est très laconique.
Donc, Hélène est juive, elle vit dans le Paris de l’occupation, le journal débute le 7 avril 1942. Ce jour là, elle est allée chercher un livre chez Paul Valéry, qu’elle ne connait pas, mais à qui elle a osé demander une dédicace. Hélène est une littéraire, une intellectuelle, une musicienne. Elle fait ses études à la Sorbonne où elle prépare l’agrégation d’anglais, travaille régulièrement dans une bibliothèque. Elle vient d’un milieu qui semble privilégié, entourée d’amis. il y a de la légèreté dans cette jeune fille qui arpente les rues du quartier latin, et de la lourdeur dans l’air du Paris qui se laisse aller aux lois nazies.
Par touches, on devine qu’une histoire d’amour se termine avec un certain Gérard, qui lui envoie des cartes dont on ne connait pas la teneur, mais qui la laisse la plupart du temps insatisfaisante de lui, et d’elle aussi. Se profile dans son horizon Jean Marawiecki, aux allures de prince slave, et le coeur d’Hélène bat contre son gré.
Par touches aussi, on la sent vaciller, elle veut vivre comme avant, se heurte aux nouvelles frontières imposées. Comme c’est pour de vrai, elle ne trie pas, mêle au jour le jour ceux où elle se distrait encore, les goûters amicaux, les après midi de musique, et ceux qui la font sombrer, l’arrestation de son père, les proches qui partent, le port de l’étoile jaune.
Les moments où elle évoque cette étoile obligatoire sont parmi les plus frappants du journal : elle dit les regards qui changent, l’humiliation de devoir se sentir juive, et parfois aussi, sa joie de pouvoir la porter avec un petit bouquet tricolore, comme une forme de résistance.
Hélène n’a évidemment aucun recul et c’est tout l’intérêt de ce document. A la peur pour son père succède la joie d’un rendez vous avec Jean, l’agacement envers Gérard, le plaisir de la musique, la tension avec sa mère, le bonheur d’un après midi à Aubergenville, les convois qui partent de Drancy, de plus en plus fréquents après la rafle du Vel d’hiv.De cet événement, pour nous, majeur, elle n’a elle, que des échos, des brides, et là encore se situe l’intérêt de ce document, car alors, nous lecteurs d’aujourd’hui, on comprend que de l’intérieur, on ne pouvait comprendre.
Pour finir, ma lecture fut plus ardue que je ne le pensais, ses feuillets sauvés de l’oubli par la fidélité de ceux qui ont connu Hélène , les « passeurs » de ce manuscrit , demanderaient un appareil critique plus conséquent, éclairant Hélène de l’extérieur, pour que sa parole prenne davantage d’épaisseur.
Il me tente tout de même. Je l’ai repéré il y a plusieurs plusieurs année mais le côté journal me faisait un peu peur. Le sachant, je sais au moins à quoi m’attendre.
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C’est un vrai journal intime, et c’est donc un peu déstabilisant au départ, mais il y a une vraie force dans certaines pages, surtout quand il n’y a pas de références à son entourage quotidien. Je me répète, mais celles sur le port de l’étoile sont bouleversantes. On comprend de l’intérieur les conséquences individuelles et intimes de cette humiliation (qu’elle tente d’accepter) et c’est rare. Du moins, je ne l’avais jamais lu aussi juste (et pour cause !)
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Que d’horreurs cette chasse aux juifs pendant la guerre , je ne lirai sans doute pas ce journal qui me rendrait si triste, mais j’en ai d’autres sur le même sujet qui attendent mon courage.
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Il n’y a pas d’horreurs dans ce témoignage, au contraire, beaucoup de joie, puis, de plus en plus d’amertume quand même. Il m’a demandé un effort d’attention auquel je ne m’attendais pas, mais il résonne maintenant comme une référence.
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Ah ça y est tu l’appelles Philou, toi aussi ! Bon, je passe pour le journal, mais j’ai bien l’intention, depuis La serpe, de lire Le salaire de la peur (qui vient d’être réédité en poche) !
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Ben, en fait, je t’ai copiée pour Philou ! mais comme lors de notre dernière (et première) rencontre, (je sais, je frime, mais je suis tombée en amour de lui), il a dit qu’il ne lisait jamais les blogs littéraires, et je suis bien gardée de lui dire que j’en avais un, je me permets.
Pour « le salaire de la peur », il en a dit tellement de bien, que du coup, je ne suis pas sûre de le lire, parce que pour le film, il en a dit tellement de mal que je l’ai revu, et je l’ai trouvé toujours aussi excellent !
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J’ai l’intention de le lire tôt ou tard ; je me documenterais sur elle avant pour ne pas être trop perdue.
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J’ai cherché aussi des renseignements complémentaires pour mieux comprendre, mais je n’ai pas trouvé beaucoup plus …
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Je ne me souviens plus d’avoir été perdue par le manque d’explications de la part d’hélène (remarque c’est la preuve qu’un tel journal est vraiment un journal intime). Je relis mon billet
http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2008/09/journal.html
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Je l’ai trouvé très fort, et passionnant (c’est l’un de mes textes préférés sur la période de l’Occupation).
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Je te rejoins en grande partie, notamment sur la qualité de l’écriture, qui permet de s’approcher d’une vérité subjective ( et pour moi, quand même de « m’accrocher »)
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Je ne sais pas si j’ai un livre préféré sur cette période (en cherchant dans ma tête, je me rends compte que j’en ai assez peu lu en fait …). ce témoignage en tout cas, je m’en souviendrai.
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