Plage de Manaccora, Philippe Jeanada

Ce que j’aimerais comprendre, maintenant, c’est pourquoi j’ai si longtemps pensé que Jeanada n’était pas un auteur pour moi … 1997, une amie m’offre Le chameau sauvage, fraîchement sorti. J’en lis trois pages. Pas pour moi …. Verdict implacable, tu à ladite amie (qui se reconnaîtra peut-être ….).

Lors des jardins d’hiver, totalement conquise par l’écrivain justicier de La serpe, et surtout mon héros pour toujours depuis qu’il a fait revivre Pauline, dans La petite femelle, j’ai sauté le pas, lire le Jeanada, première version. J’ai embarqué deux titres (et deux dédicaces qui font encore palpiter mon cœur de midinette, palpitations qui m’ont valu le regard incrédule de fifille (fiffille qui a lâché son verdict implacable du haut de ses quatorze ans : »Non, mais t’es vraiment total ado, là ! »). Le mien de verdict, la première version est tout aussi passionnante, drôle et pertinente que la deuxième.

Le roman met en scène l’arrivée d’une famille dans son lieu de villégiature italienne. Voltaire, Oum et Géo s’installent dans l’appartement de San Nicola, le même que deux ans auparavant, le même balcon, la même baie vitrée, le même balai. La résidence est familiale, des maisons basses, disséminées le long d’un rivage boisé, l’Adriatique à portée de quelques foulées, au bout du chemin qui serpente entre les pins.

A côté, il y a un camping, quand même, plein d’Allemands roses, mais il est assez loin pour que la fumée des barbecues n’envahisse l’enceinte paisible crée par le couple charmant formé par Tanja et Michele.

Mis à part leurs prénoms pittoresques, la famille du narrateur a tout de la famille moyenne et un peu snob, en vacances. Géo a apporté ses bionicle et eux des romans policiers américains des années cinquante, leur dernière lubie.  Ce matin là, Voltaire s’est levé en premier, il fait déjà assez chaud pour que des pommes de pins éclatent. Mais jusqu’ici, tout va bien, ce n’est que lorsqu’ils voudront redécouvrir les ruelles ombragées du petit village voisin, avant de mettre les maillots pour l’après-midi forcément plagesque, que la situation ne vire à l’hébétude. La route est coupée par le feu.

La famille, les autres vacanciers, les propriétaires, sont pris au piège. La seule issue est la plage, la mer, l’eau éteint le feu, c’est sûr. Mais ce feu là avance vite, aidé par le vent, il ravage les pins et le ciel reste vide de tout secours, la mer aussi, la plage se fait piège à touristes égarés, dévastés. l’enfer s’arrêtra à 16.30, sur la plage de Manaccora, on a beau le savoir, on a quand même un peu peur du comment.

Le narrateur raconte le périple de la cohorte des vacanciers en maillots de bain ; les doutes, les choix, la peur, quelques lâchetés ordinaires, les instincts grégaires, mais en petites anecdotes du vécu. Il se souvient aussi de ces riens de la vie qui font la vie, en un va et vient entre le drame et le burlesque (le récit de la mort de la crevette du Sénégal dans l’aquarium familial vaut celle de la commande du restaurant chinois dans La serpe …)

Plongé en plein drame, le déroulé de l’ordinaire pend sa juste mesure, entre burlesque, ironie et une sacrée tendresse !

15 commentaires sur “Plage de Manaccora, Philippe Jeanada

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  1. Moi je pense que c’est un écrivain qui pourrait me plaire mais je ne sais pas s’il faut que je le case dans mes urgences et priorités. Bon, visiblement j’ai décide que non depuis le temps qu’il est sur ma LAL (époque du Chameau sauvage…) et malgré le grand succès de La Serpe et de La petite Femelle et tout le bien qu’on en dit.^^ En fait je crois surtout que le problème maintenant, c’est que je n’arrive pas à me décider pour lequel commencer…

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    1. Evidemment, je te dirais que la découverte de cet auteur est indispensable …. Commencer par La petite femelle te fera rentrer dans son univers de parenthèses si sensibles et drôles. Mais bon, moi, maintenant, je suis accro !

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  2. Morte de rire au commentaire de l’ado. Mon neveu (10 ans) m’a dit un jour que j’étais comme les filles qui trippent sur xxx (l’obscur chanteur d’un groupe pour jeunes) mais toi, c’est des vieux mecs morts. Du coup, ça me fait rire. Ceci dit, je n’ai jamais lu Jaenada. Je ne sais pas pourquoi, ,je me suis toujours dit que c’était trop compliqué pour moi. Ouais, je doute de mon cerveau des fois… Mais tu parles d’ironie, de burlesque… et je me dis que je suis peut-être complètement dans les patates.

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    1. Pas faux la réplique de ton neveu ! Et oui, on est un peu frappadingue avec les auteurs …. Et pour ton cerveau pas d’inquiétude ! Jeanada n’est pas un auteur pour intellos, pas du tout ! Il y a juste le parti pris des des parenthèses, faut accepter de se faire balader dans les à côté digressifs, mais c’est la seule difficulté … Et encore, ce n’en est pas vraiment une, parce qu’en plus, c’est drôle ! Et vu ce que tu as l’habitude de lire, franchement, tu devrais te régaler !

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    1. j’avais très peur d’être déçue par ma première incursion dans les titres du Jeanada d’avant La petite femelle, et bien pas du tout ! Laisse toi tenter à ton tour … Il doit être présent dans ta médiathèque préférée.

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    1. La petite femelle et La serpe sont assez longs, effectivement, très prenants, il vaut mieux avoir du temps devant soi … Mais ce n’est pas le cas de celui-ci, il est court, prenant aussi ! Je l’ai lu en quelques d’un dimanche ensoleillé …

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  3. J’adooooore ce roman ! Il faut quand même un sacré talent pour nous embarquer dans cette intrigue où il ne se passe en réalité presque rien. Mais quel humour et quelle tendresse dans le regard porté par l’auteur sur l’humanité qui l’entoure ! Et quelle joie que tu aies été toi aussi conquise !

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    1. Complètement conquise ! J’avais bien noté que c’était un de tes préférés de Philou, et du coup j’avais double enjeu de lecture, rester fan de l’auteure et continuer cette complicité étonnante que nous avons … Lecture après lecture … Moi, je dirais que nous sommes un cas d’école de la blogo et un jour, il y aura des études sociologiques sur notre cas …
      Par contre, moi, je trouve qu’il se passe plein de choses dans ce roman, des petites choses, celles qui font qu’aime la vie (sauf quand on se fait refouler du Buffalo grill de la place de Clichy …) Tu ris, tu as presque envie de d’avoir pas peur … Il est fort le Jeanada !

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  4. Oui,quand je dis qu’il ne se passe pas grand-chose, c’est au sens « romanesque » du terme. On pourrait résumer l’intrigue à « des vacanciers fuient la menace d’un incendie », tout le talent de Jaenada résidant dans sa capacité à rendre passionnants et significatifs (dans le sens où ils disent quelque chose de ce que l’on est), ces petites choses, comme tu l’écris, qui finissent par en acquérir une dimension épique. Comme si la volonté de l’auteur était de démontrer que même l’individu le plus banal est extraordinaire… tout dépend de la façon dont on le regarde.
    Et j’adore l’idée que notre complicité fasse l’objet d’une étude sociologique, tu m’as bien fait rire !

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