Chanson douce, Leïla Slimani

Le genre de titre que je regarde passer, moue à la bouche, sans aucune envie, lors des raouts de la rentrée littéraire. Il a fallu qu’une amie me le prête, que j’oublie de le lui rendre ( laissant passer un temps raisonnable mais sans aucune excuse valable pour ne pas l’avoir lu …), que je repeigne la pièce de ma bibliothèque, que je déménage la dite bibliothèque en tas dans une autre pièce, que je commence par les « pas encore lus », que ma précieuse réserve se retrouve donc inaccessible , coincée par les autres piles,  (on est nouille ou on ne l’est pas) et que ce bouquin, posé à part, seul dans sa catégorie, me soit le seul possible à lire entre deux couches de peinture … Ce n’est pas indiqué sur le quatrième mais pourtant, ce peut-être un critère, « peut se lire dans le temps de séchage d’une couche de peinture » !

Le huis clos est clos dès les trois premières pages : une nounou a tué les deux enfants du couple dont elle avait la garde. Elle a tenté de se supprimer, elle va survivre. La voisine a entendu les hurlements de la mère. Il n’y a plus qu’à remonter le fil du pourquoi, et à ficeler le tout en étapes accélérées, tragique oblige.

Un jeune couple parisien, deux maternités relativement assurée, une envie de conformisme social, la possibilité de s’offrir une nounou à domicile, dans un appartement trop petit, mais une nounou quand même, pour que elle, Myriam, retourne à sa future carrière d’avocate, et que lui, continue pépère à faire tourner son studio d’enregistrement. Une sorte de condensé artificiel des ingrédient d’un couple dit moderne. Une modernité fabriquée avec de la poudre de perlinpinpin, : elle, la méritante, veut être mère à temps partiel, lui, l’insouciant, veut continuer à l’être et les deux veulent une nounou parfaite.

En apparence, Louise en a toutes les qualités et seul le lecteur est mis dans la confidence de son marasme intérieur, de ses déconfitures passées, de ses espoirs fusionnels, de ses incapacités à être dans un équilibre de la perfection.

Frustrations de Louise, aveuglements de Myriam, égarements des deux dans le miroir aux alouettes qu’elles se tendent mutuellement. Louise dérape sévère, Myriam n’en voit que la surface, quand les doutes commencent, la perfection se fissure mais la jeune femme colmate les brèches, pourtant de plus en plus béantes … . La spirale est bien mise en place, mais quand même, un peu grosse à avaler sans sourire. Le coup de la carcasse de poulet javellisée par les bons soins de Louise et posée sur la table de la cuisine comme un trophée vengeur, carcasse récupérée dans la poubelle et dont les restes de chair ont été donnés aux gosses « pour finir », et Myriam qui avale le tout en hésitant malgré tout à virer la nounou tyrannique …

Du dégoûtant qui sert à rien qu’à dégoûter, c’est pas du jeu, je trouve. Pour créer une vraie angoisse, je crois qu’il faut en dire le moins possible. La carcasse du poulet, c’est de l’angoisse trop visible et qui frôle le ridicule.

Bref, j’ai dû me forcer un peu pour ne pas pouffer, tant l’auteure a la main lourde dans cette histoire de loup dans la bergerie et de bobos vraiment trop couillons. Mais, j’ai pu enfin rendre le livre, sans mauvaise conscience.

 

 

19 commentaires sur “Chanson douce, Leïla Slimani

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  1. Bravo, tu as écrit tout à fait le billet que j’aurais pu pondre si j’écrivais aussi bien que toi, et si je n’avais pas eu la flemme ! (j’avais des préventions contre ce roman, mais l’ai trouvé dans un hôtel, qui avait des étagères d’échanges, alors que je n’avais plus rien à lire…)

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    1. Nos chemins vers ce titre se ressemblent … C’est drôle … J’avoue que je pensais qu’il m’ennuierait complètement, ! ben non, pas complètement … Et merci beaucoup pour le compliment sur l’écriture, pas certaine de le mériter vraiment, quand même !

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    1. Merci pour le compliment, c’est mon jour faste, on dirait … (j’en rougis, même …). Les choix du Goncourt sont parfois étranges et très variables en qualité. Le Vuillard de cette année, je l’ai trouvé excellent, mais parce que c’est du Vuillard !

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  2. Délicieux, ton billet. Bien meilleur que cette carcasse de poulet!

    J’ai lu le roman bien avant qu’il ne gagne le Goncourt (prix qui me fait habituellement fuir). Je ne comprends pas, d’ailleurs, ce qui justifie l’attribution du prix à ce roman.

    J’ai trouvé l’ensemble des personnages beaucoup trop caricatural et la fin m’a laissée sur ma faim!

    Tiens, il y a encore un loup par ici!

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    1. Quand tu dis caricature, je pense surtout au personnage de Myriam, un concentrée de jeune maman bobo qui a mauvaise conscience, je ne sais même pas si ça existe à ce point ! A la fin, j’avais décroché, la carcasse de poulet m’a été fatale !
      Merci pour le délicieux ! Et tiens oui, encore un loup, je n’avais pas fait attention, ça doit être un coup de mon inconscient …

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  3. Tu réussis à faire rie le lecteur sur un tel sujet! (ah oui la carcasse… Mais éjecter Louise aurait posé problème, ah la la, faut trouver une autre nounou vite fait!)

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    1. La carcasse, c’est le point culminant ! je ne sais plus si les morsures sont avant ou après ? M’enfin, de toute façon, l’inflation vers la montée des périls est galopante, les portes de l’angoisse sont grandes ouvertes, je préfère celles qui grincent … Et je ne pensais pas faire rire, même pas fait exprès !

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    1. Et si tu es coincée dans un hôtel sans plus rien à lire, hein ? Ou si trois mètres de piles de livres t’empêchent d’accéder à ceux que tu avais prévu de lire ? Ou sur une île déserte dont le précédent occupant n’a laissé que ce titre sur l’unique étagère de l’unique bibliothèque ? on ne sait jamais …

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  4. Bon, comme les qualités rédactionnelles de ton billet ont déjà été soulignées, j’ajouterai juste que j’aime beaucoup le choix de l’illustration ! Je n’avais pas vraiment été emballée non plus, pas tout à fait pour les mêmes raisons que toi, mais une lecture pas si désagréable au final, sans doute parce que je partais moi aussi avec des a priori plutôt négatifs…

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    1. Au moins, j’ai appris ce qu’est un miroir aux alouettes ! C’est un bel objet en fait … Le livre ne sera pas une lecture marquante, en tout cas et me confirme que non, les livres qui font les sélections de rentrée ne sont pas vraiment pour moi !

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    1. Ne connaissant pas l’auteure, je n’ai pas vu le contraste … En plus, l’horreur des faits ne m’a pas touchée non plus … Ils manquent de graduations, comme je le dis à la fin du billet, on nous donne tout pour trembler, il n’y a pas assez de zones d’ombre, je trouve.

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