Chronique des oubliés, Vélibor Colic

Le sous titre est « Bosnie, 1992-1993 », une année de guerre avant les années d’exil de l’auteur.

Ces textes me sont apparus comme étant une sorte de brouillon du titre suivant, dans l’ordre de parution des textes de l’auteur en France, Les Bosniaques. Non pas que les textes en eux mêmes soient moins aboutis, mais à cause de l’organisation d’ensemble du recueil, qui n’est pas encore structuré. les chroniques sont juxtaposées, et chacune met en scène un scène un petit bout du conflit, tel que l’auteur l’a vu, vécu alors qu’il était engagé dans cette guerre civile, comme les autres, sans comprendre, impuissants et vulnérables, le fusil d’assaut sur l’épaule, tirant sans doute, menés par la peur, qui fait faire à l’homme aussi bien des actes de bravoure involontaires, que des cruautés insensées.

On croise un soldat retrouvé à l’état de cadavre par ses camarades dont le seul étonnement est ses pieds nus, un autre, qui a quitté les rangs pour retourner traire ses vaches, un autre villageois disparu pour être retourné au village détacher le chien, pour que lui aussi puisse s’enfuir, un prisonnier au cou tatoué d’un pointillé, comme ceux qui marquent où il faut ouvrir les sachets de soupe knor, des soldats saouls qui jouent à la roulette russe juste pour rire …

L’auteur n’apparaît que dans un « nous », sobre et presque détaché, un pion dans une armée qui semble égarée sur un front volatile et intangible, un front errant entre voisins de villages devenus ennemis, criminels et victimes à la fois.

L’humour noir affleure, comme la plongée terrifiante d’Archange dans la folie du crime de guerre, mais la volonté de témoignage est plutôt ce qui relient ces textes. Elle est signifiée au début et à la fin par plusieurs textes, plus longs et écrits alors que Vélibor avait franchi la frontière croato slovène, le 20 aout 1992, à cinq heures du matin, en partance pour la France, et l’exil. Il fait alors « l’inventaire de ce qui reste », et dans le sac de sport, les objets énumérés ne disent que la perte.

A Strasbourg, il met en mots sa colère, mais surtout sa solitude, le pays détruit, la langue perdue, le jardin de l’enfance écrabouillanté par les chenilles d’un tank serbe. Et puis, sa foi, son espérance, son intense croyance dans le rôle de la littérature face à la guerre, qui continue. Il donne des pistes, quelques tentatives d’explications désabusées pour constater en forme de majuscules que « Nous sommes morts et avons disparu ensemble pour avoir voulu vivre séparés ».

Le seul recours  » c’est croire en la force du cri primordial, sage et vieux comme le monde, du cri de l’enfant, qui, poussé par un instinct de survie et rien d’autre, déchire les entrailles de sa mère pour annoncer le triomphe certain et définitif de la créativité sur l’absurde, la violence et la destruction. Oui, c’est cela croire en la littérature ».

L’exil est davantage digéré dans « Manuel d’exil« , la guerre s’estompe aussi dans la suite de l’oeuvre de Vélibor, mais elle est la pierre angulaire, toujours frappant à la porte de l’écriture.

PS : un truc qui crisperait sûrement Vélibor mais révélateur de notre vision occidentale et aseptisée de cette guerre … En cherchant une illustration pour cette note, je tape dans la barre de recherche  » Tranchées bosnie 1992″ et apparaissent alors des images, avec en premier plan, Bernard Henri Levy … Ben voyons …

 

6 commentaires sur “Chronique des oubliés, Vélibor Colic

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  1. Ah oui, nul doute qu’il apprécierait l’ironie de la chose ! J’ai croisé Velibor Colic à Saint-Malo, il a un solide sens de l’humour qui en faisait une des figures du festival cette année, avec Dany Laferrière…

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    1. Oui, il a beaucoup d’humour … Je l’ai souvent croisé lors de ce festival, cette année comme les précédentes. Mais je peux te dire que la première fois, il n’était pas drôle du tout mais dans une sacrée colère contre le traitement médiatique de la guerre dans son ex-pays, et qu’on avait pris pour notre grade. Et BHL aussi, il reste des traces ironiques dans manuel d’exil du rôle que ce « philosophe » a joué auprès de lui.

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    1. Franchement, j’aime beaucoup ce qu’écrit Vélibor, mais ce manuel d’exil, pour moi, viendrait plutôt en appoint de ses romans. Dans sa veine autobiographique Jésus et Tito m’avait touchée !

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    1. A croire que selon mon moteur de recherche, il n’y a eu que BHL dans les tranchées de Bosnie en 1992 …. Il y a là quelque chose d’écœurant. Si tu veux découvrir cet auteur, Jésus et Tito est parfait, ou alors Edelezi, qui a un goût de bonheur tragique.

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