Mad, Daphné du Maurier

Mad, c’est madame, la grand mère d’Emma. Elle, elle a dix huit ans et comme une envie de s’émanciper, car Mad conduit sa vie à coups de cymbales, et règne en maîtresse comédienne dans son domaine battu par les vents et la mer. Officiellement, Mad a pris sa retraite, elle s’est retirée des planches. Actrice adulée, elle en a gardé les mauvaises habitudes, dont celles de ne pas  accepter d’autres contraintes que les siennes. Et c’est ainsi qu’elle a laissé pousser les six garçons qu’elle a adopté, dans un imaginaire quasi libertaire, ce qui énerve sa petite fille, dont le père, haut dirigeant, vit à Londres et entretient avec sa mère des relations agitées.

Les six garçons sont marqués, chacun à sa façon par un manque tragique. Mais ils forment tous bloc autour de Madame. Seule Emma voit les limites et les travers de cette tribu autonome, servie par Dottie, l’ancienne habilleuse, fidèle à présent au poste de cuisinière du microcosme.

Un matin, la radio d’Emma n’émet plus qu’un bourdonnement continu, relayé par celui, plus assourdissant, d’escouades d’avions passant au dessus de la maison par vagues. On pourrait croire à de grandes manœuvres ou à un tournage de film. Mais un navire militaire campe dans la baie, des troupes militaires barrent les routes et débouchent dans le champ en tenue de camouflage et pistolets mitrailleurs à l’épaule. la tribu comprend que ce n’est pas pour de rire quand le chien des fermiers voisins est abattu sous leurs yeux. Même si les soldats font force excuses, ils ne sont pas là pour de rire et s’installent dans le domaine. La petite ville voisine rentre en ébullition et Mad et les garçons en résistance, passive tout d’abord, puis de plus en plus active, au grand dam d’Emma, la raisonnable.

Le nouvel ordre est expliqué petit à petit : il est désigné par le sigle EURU qui désigne l’union de tous les pays anglophones contre le reste du monde. Les USA montre pattes blanches, en gentils organisateurs. Mais grâce au père d’Emma, l’arrière plan est dévoilé, il s’agit de sauver l’Angleterre après l’échec de l’union européenne, et le pays tout entier est destiné à devenir une attraction touristique historique. Selon lui, il n’y a pas d’autres choix, les anglais seront les Mickey Mouse de l’ancien temps.

Poussé par l’exemple de Mad, les garçons rentrent dans une série de provocations, dans le genre bon enfant, avant que l’un d’eux ne dérape. Les réactions des soit disant sauveurs se font de plus en plus disproportionnées et révèlent les mécanismes de la répression.

Le discours politique de ce titre est aussi porté par les personnages secondaires, Emma frôle la tentation de la collaboration affective, de même que la fille des fermiers voisins, les occupants ne manquant pas de charme. D’autres habitants du village y voient aussi un intérêt immédiat, les restrictions des uns faisant le bonheur des autres …

Le roman manque quand même quelque peu sa cible, les actes de résistance étant dans l’ensemble fort peu crédibles et le personnage de Mad à force d’être monolithique en devient presque caricatural.

Un roman qui en fait trop mais d’un grand charme malgré tout.

 

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6 commentaires sur “Mad, Daphné du Maurier

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  1. J’avoue ne pas en avoir gardé grand-chose avec le recul, si ce n’est en effet que c’était une lecture agréable, oui, et plutôt drôle, me semble-t-il.. de mémoire, cette dimension caricaturale que tu évoques m’avait paru volontaire, comme si Du Maurier avait voulu s’amuser un peu. Ce qu’il m’en reste aussi, c’est son regard visionnaire sur certains aspects géopolitiques…

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    1. Peut-être que la caricature est voulue, effectivement … Mais alors c’est moi qui suis passée à coté de l’humour ! Il n’empêche que, la situation construite dans ce roman en évoque bien d’autres, bien réelles, dans le passé mais aussi dans l’actualité géopolitique, je suis bien d’accord avec toi.

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  2. Apparemment c’est un des romans de du Maurier qui convainc le moins, ou du moins, qui est radicalement différent de ses autres oeuvres. Je reste curieuse, c’est une de mes auteures chouchoute !

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    1. Ce titre est loin de l’univers habituel de l’auteure, même si on est en Cornouailles, mais comme toi, l’auteure me parle toujours … malgré quelques titres, comme celui-ci, moins convaincants.

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