La somme de nos folies, Shih-Li Kow

En Malaisie, le tourisme se fait industrie, la croissante économique bat son plein, la course aux progrès technologiques fait pousser les villes comme des champignons anarchiques. Du moins, on peut le supposer car à Lubok Sayona, il ne se passe vraiment pas grand chose, du moins en apparence. La ville, qui a des allures de bourgade ou de village, n’a qu’une petite légende à offrir aux visiteurs qui passeraient par là, au hasard ou par erreur : une princesse chinoise se serait jetée dans le lac pour échapper à un triste mariage, c’est le lac de la quatrième épouse. Les deux autres qui l’entourent sont anonymes, les deux dames de compagnie qui par solidarité avec la princesse, s’y sont jetées à leur tour, n’ont pas laissé leur nom. Tous les ans, à la saison des pluies, les trois dames unissent leur force pour que les eaux les ramène dans leur pays d’origine, et c’est pour cela que Lubok est enseveli sous de conséquentes inondations. Le récit commence le jour où la ville a des airs d’arche de Noé.

C’est dans ce coin tranquille et un peu oublié des ministres, même d’une qui y est née, que Auyong a pris une semi retraite et visiblement une certaine sagesse lui est venue. Il vaque entre son usine de leetche en boite et ses proches connaissances, dont l’irascible Beevi, vieille dame dont la maison, une des seules qui surnagent, est envahie par les humanitaires. Venus pour aider, ils s’acharnent à l’énerver encore plus que son poisson qui fait la gueule et la grève de la faim dans son gigantesque aquarium. Entre lui et Beevi, les relations sont tendues, même si le poisson ne dit rien, la vieille dame à bien compris que l’occasion était trop belle pour lui de reprendre sa liberté. La bestiole, assez immonde, finit par gagner le bras de fer, et est rejeté dans son milieu naturel par la fenêtre.

Cette première anecdote, n’est pas anodine, car, comme tous les micros événements du lieu vus par le narrateur, ils referont surface, jaillissant comme par magie, au détour d’une sinuosité cachée. Il est de même pour un rond point, qui ne fut pas inauguré, pour les poteries d’Ismet, le sculpteur beau comme Di Caprio, dont les œuvres invendues sont suspendues en moment dans les arbres et élevées au statut d’œuvres d’art éphémères … Dans ce livre, il faut donc se méfier de l’eau qui dort …

Un autre personnage, Mary Anne permet de découvrir d’autres tranches de vie, celles qui hantent le passé de la Grande maison, héritage laissé par le père de Beevi à sa fille, et qu’il avait bâtie pour ses quatre femmes, chacune y ayant d’ailleurs sa propre tour à la décoration personnalisée. Certains y voient des fantômes, Mary Anne voit plutôt des anges. Dans la grande maison des hôtes de passage augurent de ce qui pourrait être la résurrection de Lubok, son arrivée dans le présent ou dans le réel, mais toujours se méfier de la pêche miraculeuse !

Les sinuosités de l’histoire convergent, ou pas d’ailleurs, ce n’est pas très grave finalement, dans ce roman,  on se laisse glisser entre le magique des traditions et le conte urbain, enfin presque un conte, car l’équilibre est bien fragile entre individus et communautés.

 

 

15 commentaires sur “La somme de nos folies, Shih-Li Kow

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    1. Sans parler de réalisme magique, il y a un peu de cela quand même dans ce roman qui mélange la farce, la tragi comédie et le fantastique. C’est en effet un peu singulier au départ, mais j’ai trouvé que l’équilibre se faisait tranquillou !

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  1. Noté depuis sa parution, un roman malaisien, ça ne se refuse pas, c’est tellement rare. Il faut maintenant que je me lance mais j’ai l’impression que ça demande un peu de disponibilité et de patience, ce qui n’est pas trop mon état d’esprit en ce moment.:)

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    1. C’est un roman facile à lire, vraiment, je ne dirais pas qu’il faut de la patience, plus se laisser couler dedans, les anecdotes se succèdent et il faut accepter le temps qu’elles mettent à se nouer, ou pas d’ailleurs ! C’est un peu sinueux, mais pas complexe du tout.

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    1. On oscille entre réalisme et légendes, mais franchement, ce n’est pas si étrange que cela, vu ce que tu lis, il n’y a dans ce titre rien qui puisse te déranger. merci de ta confiance, en tout cas, c’est vrai que les commentaires de celles qui ont lu ce titre sont dans l’ensemble positifs.

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    1. Tu peux tenter les premières pages en librairie, tu verras si le style te convient. Je suis pas certaine qu’il soit assez rude pour te plaire, mais un peu de douceur sied parfois … Même si la douceur ici n’est qu’apparence !

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