Le sillon, Valérie Manteau

Du balcon de l’appartement de son amant turc, une jeune femme admire Istambul. Elle est française, a été journaliste,sans doute, elle a des projets d’écriture, en tout cas. Elle a débarqué dans cette ville en 2013, sans un sous, sans un projet, en jachère ou en errance. Elle y a fait des rencontres, des hommes et des femmes liées par leurs activités artistiques et/ou politiques. Et elle est restée, entre deux mondes, fascinée par la ville, heurtée par les soubresauts des mouvements contestataires contre un régime de plus en plus autoritaire et sectaire. Autoritarisme et obscurantisme qui s’aguerrissent de la méconnaissance et de l’indifférence de l’égocentrisme occidental,et surtout de celui des droits de l’homme et de « Je suis Charlie », dit-elle.

Elle décrit une Istambul vivante, vibrante, de blues oriental, de slogans, de squats, où les artistes foisonnent, où les journalistes indépendants discourent, de moins en moins forts …. Une Istambul portée par la ferveur des manifestants de la place Taksin, cris qui sont remplacés par les menaces de plus en plus prégnantes de la répression militaire.

Et petit à petit, en parallèle, elle remonte la piste de la résistance arménienne, des traces de la culture d’après le génocide, en découvrant les œuvres et la personnalité de Hrant Dink, sous l’oeil de plus en plus dubitatif de son amant qui s’éloigne, inexorablement, des contradictions de la jeune femme, de sa curiosité occidentale, de ses emballements et de ses leçons de morale qu’il dit illégitimes.

Et elle a beau s’en défendre, j’ai rapidement pris le même chemin que lui tant le propos de ce roman m’a laissée perplexe. La méconnaissance de l’histoire de la Turquie l’indigne, soit, et ce n’est surtout pas moi qui vais faire la fière dans ce domaine, je fais partie de ceux qui sont peu au fait de l’actualité récente ( disons que je suis l’actualité, sans prendre le temps de l’approfondir), mais bon, justement, la narratrice ne nous en apprend finalement pas grand chose non plus. Elle évoque la figure tutélaire de la résistance arménienne, donc, Hrant Dink, en quelques tableaux, son enfance, son assassinat, les commémorations de son nom dans la communauté. Le saupoudrage de ses connaissances agace ses interlocuteurs, rend encore plus problématique son positionnement moral.

Et pendant qu’elle encaisse les rebuffades, multiplie les citations plutôt que les analyses, néglige d’apprendre le turc, elle déambule dans les rues d’Istambul, rappelle sans cesse qu’elle porte une robe, qu’elle boit de l’alcool, que si c’est encore possible, pour elle en tout cas, qu’il y a encore des fêtes, qu’elle est encore libre, là-bas dans un pays qui se ferme, dans une dictature qui emprisonne et bâillonne, elle a fini par me perdre complètement.  Sa parole m’est devenue inaudible et son propos dérangeant par sa  légèreté historique.

 

19 commentaires sur “Le sillon, Valérie Manteau

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  1. J’ai davantage aimé que toi, je pense, peut-être parce que je l’ai lu à Istanbul. Je ne me suis pas non plus attachée à ce personnage de narratrice, mais je voulais tellement avoir différentes versions de la Turquie que j’y ai été intéressée.

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    1. Disons pour la narratrice que j’ai très rapidement adhéré aux critiques qui lui sont faites par les autres personnages concernant principalement ses jugements sur la résistance au pouvoir qui se met en place. Elle paraît très donneuse de leçons, au lieu d’être à l’écoute. Une posture qui m’a dérangée. Et je n’ai pas l’impression d’avoir appris grand chose, en fait … Peut-être qu’avec les yeux sur les lieux, l’angle de vue change. Mais bon, on ne peut pas non plus prendre l’avion à chaque fois qu’on lit un livre ^-^ (dommage d’ailleurs …)

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  2. J’hésitais, depuis sa sortie en poche, je vais donc passer finalement, ça m’arrange à vrai dire, j’ai encore craqué la semaine dernière pour deux recueils de nouvelles et un roman nordique !!

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    1. C’est une amie qui me l’a prêtée, sans commentaire mais visiblement très dubitative …. Je ne pense pas que je l’aurais lu, sinon …. On en a beaucoup parlé, je crois, et franchement, je ne comprends pas pourquoi, il est correct ce titre, mais franchement, un peu vain.
      Et je me demande bien pour quels titres tu as craqué (moi, c’est sans arrêt !)

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      1. Si ça peux te rassurer, je suis sortie tout à l’heure de chez Gibert (celui de Marseille, où je suis en déplacement) avec encore trois autres titres… J’ai craqué pour En mer de Toine Heijmans (noté je ne sais plus où), Un si bel amour et autres nouvelles + Angelus de Tim Winton, deux recueils de nouvelles achetés en prévision du mois de la nouvelle de Marie-Claude et Electra, deux polars : Willnot de James Sallis et Requiem pour une république de Thomas Cantaloube, et Toute une vie et un soir de l’irlandaise Anne Griffin (gros coup de cœur de Krol) !

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    1. Et oui ! une déception relative car je ne m’attendais à rien de spécial, vu la tête de l’amie qui me l’a prêté, si elle ne m’a rien dit, c’est qu’elle n’étais pas convaincue. J’étais curieuse de voir pourquoi on en avait tant parlé, et comme dit plus haut à Ingannmic, ben ma foi, me voilà gros jean comme devant …

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    1. Va falloir que je me mette à la recherche de ces multiples chroniques que j’ai vues passer moi aussi ! En tout cas, ça prouve que les blogs ont bien une influence sur nos lectures, on tient compte des avis et de leur évolution. Donc, vive nous !

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  3. Il y a tant de livres importants en ce moment sur la Turquie et écrit par des Turcs. Comment ne pas citer Ahmet Alatn ? et tant d’autres.

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    1. J’avoue être inculte en littérature turque : Ahmet Alatn, connais pas …. j’en rougis … surtout quand tu dis « tant d’autres » en plus !Je vais aller voir tes références.

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    1. J’ai eu l’impression que la narratrice ne parlait que d’elle en fait, elle à Istambul, Istambul et elle …. Elle et sa perception de la culture arménienne, la culture arménienne tient d’ailleurs beaucoup moins de place qu’elle même …

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  4. J’avais l’intention de le lire et puis sont arrivés les premiers billets nettement plus mitigés. Du coup, maintenant je ne sais plus trop.

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