La villa se tient toujours au bord de la route, dans un quartier excentré de Beyrouth, comme Noula, gardien et fils de gardien, se tient toujours sur son perron, en face de l’allée qui mène au portail. Les temps ont pourtant changé sur le domaine des Hayek, la grande famille libanaise qui possédait les orangeraies bordant à perte de vue les jardins odorants de la grande maison. Les usines adjacentes, celles où les ouvriers et contremaîtres fabriquaient le tissu qui a fait sa grande fortune, se sont tues depuis longtemps.
Par le portail, à présent silencieux et fermé, sont rentrés les invités des fêtes somptueuses où les pères des grandes famille se partageait les influences politiques, les lignes du cadastre et mariaient leurs fils et leurs filles. Puis, se furent les pétarades des milices militaires qui le franchirent. Ainsi, le roman raconte, à travers la famille Hayek, le passage de la paix relative, maintenues par la corruption, les arrangements commerciaux, les magouilles politiques, à la guerre et la ruine. dans les déchirures, les départs, les rancœurs, on voit le pays, dans une inconscience flottant sur les traditions, basculer vers le chaos.
Noula est le témoin de ces temps immuables des quincailliers ambulants, des vendeurs de tissus disparates et colorés,. Ils venaient étaler leurs trouvailles hétéroclites aux pieds des bonnes, riant de toute la légèreté d’un monde domestique ordonné par Jamille, la cuisinière aux formes généreuses, au verbe haut. Le patron, Skandar est la figure tutélaire, l’incarnation du bon vieux temps, Il marie ses ouvriers et ses bonnes, distribue les cartes de la mairie …
Le roman est aussi un roman du manque d’amour. Skandar a épousé Marie, qui en aimait un autre, un plus pauvre qu’elle auxquelles les portes des grandes familles sont restées fermées. Marie a joué son rôle auprès du mari imposé, de ses enfants et a résisté avec une superbe indifférence, à l’agressivité humiliée de sa belle soeur, Mado. Elle vit son deuil au second étage, solitaire dans ses robes noires, vénérant les tombes des ancêtres, veillant au bon grains des intérêts de la famille. Leur perpétuelle guerre froide est une des pierres de la chute.
Les trois enfants seront les autres, l’aîné, Noula, par par son insolence, le second, Harethe, par ses rêves, et la troisième, la fille, Karine, par sa beauté de diamant brut.
La narrateur chroniqueur est la témoin de la morgue de cette société des grandes familles, de son aveuglement. Sa nostalgie charme les évocations de la lumière sur les terrasses, le souvenir des chevaux montés à cru, des motos rutilantes qui montaient l’allée. Puis il détaille la noyade, avec quand même beaucoup d’indulgence pour ce monde qui fut en grande partie responsable de la guerre civile et des ravages qui touchèrent beaucoup plus de murs que ceux de la grande maison.
A travers ton compte-rendu, j’ai l’impression que l’histoire de cette famille est un peu déconnectée de tout ce qui est en dehors d’elle ?
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Oui, voilà, cette famille semble vivre en dehors de son temps, et les troubles qui vont mener à la guerre sont vraiment en arrière plan. Mais en même temps, c’est ce qui fait le charme de ce livre ….
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J’ai adoré ce roman et je dois dire tous les livres de ce grand romancier libanais
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J’avais effectivement noté cet auteur chez toi, et je suis ravie d’en avoir fait la connaissance, son écriture est d’un charme certain, de belles images, et une faculté à dresser des portraits de personnages très efficace.
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J’aimerais bien rencontrer cette famille… quand les histoires de famille se passent ailleurs, on dirait que ça me plait davantage.
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C’est l’histoire d’une famille, mais aussi, d’une époque, d’une mentalité sociale et politique. Un livre qui a plein d’odeurs et de sensations aussi.
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