Paul Sneijder est l’habituel Paul de Jean Paul Dubois, pas tout à fait le même que dans La succession ou Une vie française, mais avec la même mélancolie solidement chevillée à l’âme, en moins caustique cependant, en plus désespéré. Il faut dire que ce Paul là a toutes les raisons de vaciller, piégé dans le chagrin et le deuil, par impuissance et une certaine forme de lâcheté. C’est un Paul qui tente de reprendre des rênes, par des chemins tordus et dérisoires.
Paul a presque soixante ans, et toute sa vie passée, il a laissé couler les décisions : un premier mariage raté sans qu’il y soit pour rien, une fille Marie, un second mariage avec Anna, deux jumeaux, un exil au Québec où il exerce son métier sans passion. Paul est isolé, mis à l’écart, un écart dont il s’accommode depuis si longtemps, qu’il aurait pu y rester, si Marie sa fille, n’était pas venue lui rendre visite et si Marie n’était pas morte.
Anna, sa femme, appartient à un univers à haut potentiel, celui de la technologie de la commande à distance, elle évolue dans la « complexité réflexive » de la « solidarité frictionelle » d’une grande entreprise. Elle l’écrase de sa réussite, Paul, indifférent, se satisfaisait de ce que son épouse qualifie d’archaïsme confondant. Elle est un tyran dont Paul a accepté la plus injuste des règles . Anna Kléder a banni Marie de leur vie familiale, indésirable, reléguée dans le passé de Paul, côté Sneijder. Entre Paul et Marie, le passé s’est donc écrit avec des trous, au gré des week-end passés chez les grands parents. es jumeaux non plus n’ont jamais considéré cette demi soeur, soudés à leur mère comme deux crampons.
La mort de Marie est le séisme de Paul, sa mort, c’est le deuil impossible de qui aurait dû être, alors cramponné à l’urne contenant les cendres de sa fille, il tente une sourde résistance aux diktats d’Anna, dont l’unique tendresse se résume à éructer : » Tu devrais aller voir quelqu’un. » et le désamour va grandissant, hostile et oppressant. Paul patauge dans son deuil comme dans la neige, le long des allées du jardins japonais qu’il arpente avec une douleur cotonneuse.
Et Paul s’enferme dans l’histoire des ascenseurs, collectant les anecdotes et une philosophie où ils sont le centre du monde, sa relecture architecturale et humaine. Car Marie est décédée d’une chute fracassante d’un appareil dont les freins n’ont pas fonctionné. Le corps de sa fille et des quatre autres occupants se sont fracassés dans le fond de la cage, et Paul est le seul survivant.
Le roman retrace les errances de Paul, son indifférence narquoise, son hostilités grandissants envers les êtres, surtout ces deux fils, clones de leur mère dont il se sent aussi proche d’un tapinoir de trois piranhas. Dans sa détresse, seuls quelques êtres surnagent, dont l’avocat amateur de bonzaïs, un Chypriote fanatique de nombre premier, et quelques pointes d’humour dans l’évocation d’autres destins qui ont été bousculés dans une cage de fer lancée à toute vitesse vers des sommets de Dubaï ou d’ailleurs.
Malgré cette tonalité douce amère que j’apprécie de plus en plus chez cet auteur, j’ai quand même préféré le Paul de La succession, plus dense, et celui de Une vie française, plus ample. Ce Paul là m’a plus déroutée que séduite.
Je e souviens un peu dde cette lecture, je préfère aussi Une vie française mais je ne connais pas La succession. Si jamais l croise ma route…
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Pour l’instant, j’ai aussi préféré une vie française, mais il n’empêche que le ton de cet auteur me touche beaucoup.
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Il semble qu’il n’y ait pas là la petite dose d’humour qui m’a bien plu dans « Vous plaisantez monsieur Tanner »…
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Il y a une forme d’humour, décalé, de l’autodérision dans le détachement du personnage, mais la tristesse de l’impuissance l’a emportée dans ma lecture.
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Pas trop tentée par le thème. Et comme je n’ai rien lu encore de lui, j’ai le choix.
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C’est vraiment un auteur à découvrir, tu verras, quand on commence, on y prend sacrément goût….
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Étrange… cet auteur, pourtant très présent sur les blogs et semble-t-il très apprécié, ne m’attire pas..
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Je l’ai longtemps confondu avec pas mal d’autres noms, je n’arrivais pas à le fixer dans mes envies de lecture. Il n’est pas clairement identifiable, on dirait. Mais bon, tu te laisseras peut-être prendre à Une vie française ? Ce titre a un goût prononcé très doux amer
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J’avais beaucoup aimé le Paul de Une vie française, et pas du tout celui de La succession. Ton avis sur ce Paul ne me donne pas envie de le découvrir.
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Et oui, les Paul ne sont pas tous égaux !
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J’ai lu pendant cette période « les accommodements raisonnables » je ne peux pas dire que j’ai été complètement conquise.
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La médiathèque va rouvrir, peut-être pourras-tu y feuilleter d’autres titres ? Après, je ne connais pas celui dont tu parles ….
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