Il s’agit d’un court récit où l’autobiographie prend deux registres : celui de la douleur, suite à la mort prématurée de la sœur de l’auteure, sa quasi jumelle, la douleur de devoir continuer sans elle, et celui du bonheur, de la chaleur de la famille, dans les traces des souvenirs, des espoirs et des rêves qui fut le temps de l’enfance. Les années 80 ensuite, les illusions politiques et sociales, les années où les deux jeunes filles découvrent Renaud, qui passait alors pour un chanteur engagé, où » touche pas à mon pote » s’épinglait sur les blousons en jeans, fièrement prometteur d’un avenir meilleur.
Dans le temps de l’enfance, le monde est facile, il y a les parents, de gauche, les grands parents, de droite, les amis des parents, de gauche. Il y a une grande maison dans la campagne, la chambre à deux, il y a elles, les filles qui se suffisent à elles mêmes et eux : les adultes, et les autres eux : ceux de l’école, des normes et des règles sociales, que les filles connaissent, appliquent, parce que le monde est finalement, plutôt bienveillant. L’auteure enchaîne les souvenirs comme des bulles, des perles figées dans ce temps : le break qui sent le tabac froid, l’autoradio où tourne en boucle Initial BB. les valeurs sont simples : on est de gauche, on dit que Mitterrand est « redoutablement intelligent » avec le sourire de la revanche aux lèvres, on regarde Drucker dans le salon des grands parents. Même si il invite Thierry Le Luron alors qu’on préfère Coluche. Et puis, juste après, il y a Renaud et « Marche à l’ombre ». Et on travaille bien à l’école, pour réussir dans la vie.
A paris, étudiantes, les filles continuent à vivre dans la même bulle, le petit monde des étudiants qui manifestent aux premières gay pride même si la bulle commence à prendre l’eau : 35 députés FN, l’accent gras de Pasqua qui veut « terroriser les terroristes », Devaquet qui va finir au piquet, mais Malik Oussekine est mort. Mauvais sang est le film préféré des filles.
C’est cette sororité qui accompagne ce rappel des événements extérieurs, ce refrain « nous sommes deux » qui scande cette double chronique : le gain, la perte, l’intime, le collectif. l’auteure idéalise-t-elle ? Peu importe, puisque la douleur ne l’est pas, que le chemin est long vers l’acceptation que « Nous est morte » et que le chagrin est une longue maladie. Même si le chemin est accompagné des chansons de Beaupain, le compagnon d’Aude Monnin.
Le récit est émouvant, même si la tendance à l’épanchement lyrique l’emporte parfois. L’autre limite est sans doute que le cadre temporel et sociologique ne parle qu’à ceux et celles qui l’ont vécu : si Drucker ne vous a jamais souri dans le poste le dimanche après-midi après le poulet frite dominical, si le terrible égrenage des Chiffres et des lettres ne vous résonne pas encore aux oreilles, alors, vous n’avez rien perdu en vrai, mais ce texte ne fera pas écho. C’est la mémoire d’une génération en même temps que celle de l’auteure.
Je crains aussi de ne pas être touchée par des souvenirs qui ne me parleront pas.
J’aimeJ’aime
C’est la limite de cette autobiographie, il faut avoir le même âge que l’auteure ( ce qui est mon cas, à quelques années près …) pour apprécier les échos que l’auteure donne de cette période post 81, les cohabitations, les années Mitterand …
J’aimeJ’aime
Je ne crois pas que ce soit pour moi non plus.
J’aimeJ’aime
C’est le problème des textes très ancrés sur une période, même si ici, l’auteure prend du recul, ce n’est pas très « collectif » …
J’aimeJ’aime
Pourquoi pas. Je suis à peu de chose près de cette génération…mais la propension au lyrisme me fait encore hésiter…
J’aimeJ’aime
Le double registre de la narratrice ne fonctionne pas complètement la douleur de la perte de sa sœur et l’autobiographie sociale se télescopent, c’est dommage ! Mais pour les souvenirs, c’est plutôt amusant, (quand on a les mêmes …).
J’aimeJ’aime
Je crains que ce texte ne fasse pas écho en moi. Merci pour ce conseil.
J’aimeJ’aime
Le public de ce titre est assez restreint, je le crains !
J’aimeJ’aime