Ce récit autobiographique reprend le fil de Manuel d’exil, mais l’exil est intérieur, destructeur, l’auteur retrace ici la décomposition de son passé, et la « reconquête de la verticalité », dit-il. Le parcours d’un homme brisé, 26 années pendant lesquelles il se sent parfois bien, mais pas à sa place, trop grand, trop d’ambition frustrée. Il se veut Rimbaud, mais les semelles de vent sont plombées, même si la légèreté d’un aphorisme ciselé au cordeau distancie les émotions trop fortes. Le passé, la guerre, le pays perdu, la perte de la langue, restent à distance dans l’écriture mais imprègnent l’homme qui écrit.
1993, Vélibor est à Strasbourg, il a obtenu son statut de réfugié politique, il est apatride et contrat emploi solidarité à la médiathèque. Le jour, il multiplie les emprunts fictifs pour sauver du désherbage Kafka ou T. Mann. La nuit, il boit et s’éreinte le portrait en poète maudit, en compagnie d’artistes locaux branchés. L’ironie et l’auto dérision sont percutantes et désespérées. L’auteur est vacant, en quête d’un sens, tente de se fondre, se bat avec la langue et lui même, écrit sans cesse, fume autant. Il a écrit La Vie fantasmagoriquement brève et étrange d’Amedeo Modigliani, alors, de temps en temps, il fait une percée dans le monde dont il rêve depuis son arrivée en France, celui des écrivains, publiés et à succès ( ce qui nous vaut quelques portraits au vitriol). Il trimbale Archanges dans ses bagages, son roman de ses démons de guerre. Roman aussi absolu qu’un cauchemar.
Son regard sur lui même est sans pitié, presque impudique. Il raconte ses femmes, qu’il rend belles en caressant les failles de leur corps, leur rondeurs et leurs pertes. Il raconte son premier mac, improvise une digression sur un bar, un personnage, se raccroche à ses modèles littéraires, se donne des surnoms pour masquer son nom, qui prononcé à sa française, a dû lui valoir des variations sans fin lors des soirées de bistrot où ses compagnons de comptoir n’avaient pas toujours de panache, même si l’auteur leur accorde souvent beaucoup d’humanité.
De galères en festivals, Velibor retrace un itinéraire où le burlesque sert de cercueil aux blessures, qu’on cache dedans, dans une tonalité jazzy, dans une scansion des mots et des phrases qui modulent d’un sourire narquois et tendre ses tribulations. Digressions poétiques et drolatiques, causticité lucide, aphorismes cadencés, le titre serre pourtant le cœur. Quand on connait son oeuvre, on sait que viendront le lumineux Jésus et Tito, et le swing d’Ederlezi. Peut-être alors que le cycle de l’exil a trouvé ici une ultime boucle.
J’ai commencé son premier roman et puis on me l’a emprunté sans que je puisse le finir. Je pense que je vais essayer de le retrouver car le début m’avait bien plu. Mes livres ont tendance à se balader (l’important c’est qu’ils soient lus)
J’aimeJ’aime
Son premier roman ? Archanges ? Ce n’est pas facile de savoir vraiment, parce que l’auteure joue avec les étiquettes en ajoutant des tonalités romanesques à ses titres …
Mes livres se baladent aussi, souvent, mais jamais tant que je les ai pas terminés ! Tu es plus généreuse que moi;
J’aimeJ’aime
Je n’ai lu que Manuel d’exil, et noté celui-ci, dans la continuité. Velibor Colic est aussi un auteur à écouter parler, lors de rencontres ou de festivals, il est passionnant !
J’aimeJ’aime
Oui, Vélibor Colic peut être très drôle et passionnant lors de rencontres, un peu comme dans ce livre où l’humour cache un profond désarroi, et où il dit une douleur de l’exil poignante.
Je te conseille vivement ses romans précédents également notamment Jésus et Tito et Ederlezi, Sarajevo omnibus est bien aussi, j’avais moins accroché, je ne sais pas pourquoi …
J’aimeJ’aime
Un auteur et livre qu’il me tarde de découvrir. De même que Côme, de Srdjan Valjarevic – j’ai l’impression qu’il y a des similarités dans les thèmes.
J’aimeJ’aime
Je ne connais pas Côme, je viens juste de lire la présentation sur un site marchand, et oui, il semble y avoir des thèmes communs mais le texte de Vélibor Colic est très marqué par la prégnance de la guerre ( durant laquelle il a combattu, même s’il n’évoque pas directement son expérience personnelle). Et puis, l’auteur de Côme est serbe, je suppose que son expérience est aussi inintéressante à lire.
Et si je peux donner un conseil, je dirais de commencer plutôt par Manuel d’exil ( ou un roman de Velibor), plutôt que par Le livre des départs.
J’aimeJ’aime
Ce n’est pas trop redondant avec Manuel d’Exil ? Quoique, je l’avais tellement apprécié que cela ne me dérangerait pas, après tout !
J’aimeJ’aime
Non, ce n’est pas redondant, je le trouve même différent, plus noir, plus intime. Et comme tu as déjà beaucoup lus de titres de cet auteur, le Livre des départs prend une résonance particulière, comme si tu découvrais les coulisses de l’écriture ( notamment d’Archanges)
J’aimeJ’aime
Du coup cela m’intéresse car comme tu le sais, j’ai eu du mal avec Archanges..
J’aimeJ’aime
j’ai relu ton billet sur Archanges avant de te répondre, pour raviver mes souvenirs, nous étions bien d’accord sur l’absence de recul, le déversement d’une rage, un texte à fleur de peau. Le livre des départs est bien plus apaisé mais donne un éclairage sur ce que cette guerre a détruit, alors que finalement l’auteur parle peu du conflit ici, et qu’il est dans une forme de distance burlesque.
J’aimeJ’aime
Ah, j’allais oublier, tu veux qu’on cale la date pour le roman de Gary ? Vu mes lectures en cours, je me le verrais bien pour le 26 ou 29 juillet ? Dis-moi..
J’aimeJ’aime
Le 26 juillet, je ne serai pas chez moi, je peux programmer bien sûr, mais ce serait plus sûr pour le 29, si cela te convient ?
J’aimeJ’aime
C’est parfait pour moi, je note le 29 !
J’aimeJ’aime
J’ai déjà noté cet auteur, ce titre et Manuel d’exil mais ne l’ai toujours pas cherché à la bibliothèque
J’aimeJ’aime
Un auteur que je suis depuis un sacré moment, je ne peux que te conseiller sa découverte !
J’aimeJ’aime
Ca a l’air bien triste.
J’aimeJ’aime
Comme souvent, cet auteur dissimule sa tristesse derrière un humour bien tourné vers l’autodérision, le pied de nez et des aphorismes ironiques. Alors, ce n’est pas un livre triste, peut-être plus un livre sur la tristesse …
J’aimeJ’aime
Je ne l’ai toujours pas lu. Je le découvrirai à l’occasion car vous êtes plusieurs à parler en bien de son oeuvre.
J’aimeJ’aime
Ces textes sont pratiquement tous en poche, sauf ceux dont il ne veut, visiblement, plus accepter la réédition, Archanges, Les Bosniaques.
J’aimeJ’aime