L’ainé des Ferchaux, Simenon

Si Simenon s’est emparé d’un fait divers politico financier de type « scandale de Panama » dans l’époque trouble du colonialisme et de ses crimes, c’est en fait pour causer de bien d’autres choses, des tréfonds de l’âme humaine, disons en risquant la grandiloquence, alors que lui, il balance de l’humain sans état d’âme.

Le face à face électrique entre deux hommes, l’atmosphère tendue au cordeau, font de ce roman un thriller psychologique d’une efficacité redoutable. Les deux hommes sont Dieudonné Ferchaux et Michel Maudet. Le premier est âgé, sec comme une trique, n’a ni scrupules, ni remords, un passé d’aventurier colonial au Congo, d’où il tire son immense fortune. Il revient en France pour se défendre (ou plutôt mettre à terre) ses détracteurs qui ont déterré un crime ancien, dont il est coupable et dont il ne se défend même pas. Crime prétexte sans doute pour faire tomber son emprise coloniale. De l’autre côté du ring, le second personnage, le jeune pressé et impatient qu’est Michel. Pressé de vivre, peut importe laquelle des vies, du moment qu’elle soit intense. Michel est issu d’un milieu modeste et conventionnel qu’il a quitté par mépris de la médicrité. Marié sur un coup de tête avec la docile Lina, il traine sa misère sa Paris, fréquentant une bohème pauvre et même pas artistique.

Un soir, parce que Michel ne peut rentrer que lorsqu’il ne reste plus un bistrot ouvert sur sa route, il croise une vague connaissance, qui a vaguement entendu parler d’un certain M. Dieudonné, un excentrique qui vit en Normandie et qui écluse ses secretaires à la même cadence que Michel descend les verres de petits blancs sur la route où il entraine Léna pour postuler, ou plutôt, s’imposer, au vieil homme, qui très rapidement fascine le jeune homme.

M. Dieudonné est pourtant un drôle de bougre, tyrannique, d’un physique ordinaire, mal attifé, avare. De son passé aventureux, il ne dit pas grand chose mais son pilon, remplaçant une demi jambe manquante parle pour lui. L’homme de l’Oubanqui jauge rapidement le freluquet trépignant et commence alors le duel de l’attraction répulsion. De son refuge normand, M. Dieudonné rend coup pour coup aux affairistes parisiens qui veulent sa perte, avec la complicité trouble de son jeune adepte.

Le duo se forme contre les autres avant de s’affronter seul à seul dans le cloaque de Panama, pour une seconde partie où chaque regard est un coup de couteau planté dans le dos. Dans la chaleur moite des nuits passées dans des bars louches, en compagnie d’ex bagnards et de prostituées au grand coeur, Michel, est le chat à l’affut de sa proie, il guette la porte de sortie, beau gosse prêt à tout pour échapper à un destin médiocre, dans un duel sans merci avec son mentor déraciné.

Une tension magistrale, serrée en deux parties, sans éthique ni espoir de recours.

 

 

 

 

8 commentaires sur “L’ainé des Ferchaux, Simenon

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    1. Très efficace ! Et très noir, dans ce titre, surtout, il n’y a rien ou personne à sauver. Il y a un film, oui, avec Vanel et Belmondo, le Belmondo jeune et arrogant qui doit être très bien dans la peau de Michel !

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    1. Oui, ta note sur un titre de cet auteur m’avait donné envie de le relire et le hasard s’en est mêlé puisque qu’on m’a demandé de trier, parme des centaines d’ouvrages qui allait être envoyés à la déchetterie de quoi constituer une boite à lire pour en « sauver » quand même de la destruction. Inutile de te dire que j’ai pris ma mission très à coeur, et j’ai été la première emprunteuse avec ce Simenon ( il y en avait d’autres, mais je n’ai pas voulu être trop gourmande … )

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