Un homme, Michel, devait partir pour Caracas, il l’avait promis à Yannick, sa compagne, son amour, il a promis de la laisser seule pour sa dernière nuit et de l’abandonner à son départ à elle, son choix et sa fuite. Mais Michel revient, éperdu et désorienté, à deux pas de chez eux, et tombe sur Lydia comme un clown triste dont l’ironie ne tient plus qu’à un fil.
Lydia, comme lui, porte ses pertes, une petite fille morte dans un accident dont elle tient responsable son mari, perte de deux amours qu’elle porte dans ses cheveux blancs et ses rides. Une rencontre de hasard qui entame une nuit ponctuées de rencontres et tentatives de contrer le malheur à la seule force de la foi. Car Michel est un croyant de l’amour, un inconditionnel du couple et il fait de Lydia sa nouvelle partenaire. Ou plutôt, comme le lui a demandé Yannick, sa continuation, sa réincarnation en une autre, pour que survive l’amour à la perte, puisqu’elle doit laisser Michel pour des raisons d’organes défaillants, que Lydia reprenne l’espoir du couple incarné en une fusion du masculin et du féminin.
Michel et Lydia ne dansent pas tous seul en cette nuit qui s’étire ce tango flamboyant et chaotique de la vie et de la mort, d’autres rencontres ponctuent l’errance dans un Paris déserté où ne brille que les lumières de quelques bars et du Claps’y, cabaret sinistre où se produit le senor Galba. Italien aux airs de vieux Casanova, hanté par la mort, habillé de clinquant alcoolique, dresseur de caniche rose et de chimpanzé, il est un des échos de Michel. Accompagné de son chien, lui aussi, joue le même paso doble avec le smrt, terme serbe dont la consonance résonne comme le venin de celle qui le guette comme un serpent.
La nuit s’enroule, du Claps’y jusque dans l’appartement de Sonia, drapée de l’exil sublime des russes blancs et de la douleur des juifs survivants. S’y déroule une cérémonie d’anniversaire quasi posthume, celui du mari de Lydia, affligé d’une aphasie poétique et retiré dans un forme de dignité surannée, alors que sa mère orchestre autour de lui un théâtre d’ombres où les violons crisse. Michel y titube, toujours aux bras de Lydia, dévoilant un tableau cynique de mondanités burlesques que l’on ne peut s’empêcher de mettre au crédit du Romain Gary mondain et désabusé.
L’auteur donne à ses personnages des répliques aphoristiques ciselées et d’une justesse aussi belle que désespérée. Le roman est un hymne à l’amour, un chant poignant, une célébration de l’espoir, de la chance à donner à l’impossible, de la croyance à faire de deux naufrages, un nouveau navire qui prendrait le large et le pas sur le malheur. Une lutte et une révolte pour garder le bonheur, puisqu’après tout, un petit chinois, deux petits chinois, trois petits chinois, en se faisant la courte échelle sont bien arrivés dans la lune, du moins, c’est ce que Michel a trouvé comme échelle …
Un roman un peu désincarné, mais incroyablement touchant tant il distille le pathétique sublime de Gary.
Une belle nouvelle lecture commune avec Ingannmic
Ce cher Romain Gary…… Celui-là je n’en avais jamais entendu parler…. Merci 🙂
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Je commence tout juste à découvrir cet auteur que j’avais rangé aux oubliettes, genre vieux chnoque médiatique qui passait chez Pivot, alors que je n’avais même pas l’âge de le voir ! Mais en fait, ce n’est pas du tout cela, pas du tout, il y a des abîmes dans son écriture. Et moi, quand il y a des abîmes, je creuse.
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Je n’i pas lu ce Clair de femme. Je vais devoir combler une lacune 😉
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J’ai trop de lacunes en Gary, je débute …. Mais je vais y retourner, c’est certain maintenant.
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Comme je suis jalouse, ton billet est parfait ! Il restitue à merveille la beauté de ce roman, et cette dimension oui, un peu symbolique -tu as trouvé le terme juste : « désincarné »- qui donne par moments le sentiment que le projet de Yannik est trop grand, trop lourd, pour être revêtu par de simples êtres humains…
Oui, smrt, et les petits chinois…
Ah, comme j’aime Romain Gary !
Si tu veux, on pourra se programmer une LC de Gros-Calin vers la fin de l’année (j’ai aussi Chien Blanc dans ma PAL).
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Et même j’ai trouvé que le projet du roman était comme trop lourd pour Gary qui y met une telle foi et un tel désespoir qu’on se demande comment il pouvait les porter. Sauf en chancelant comme Michel. Et quelle écriture ! Toujours entre entre ironie et emphase, comme tu le dis si bien dans ta note.
Gros calin est le premier, je crois à avoir suivi La vie devant soi sous le pseudo d’Emile Ajar. Et je suis bien sûr partante pour une nouvelle lecture commune.
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Ah, et je ne savais pas mais j’ai vu depuis qu’il existait une adaptation ciné de ce roman par Costa-Gavras, avec Yves Montand et Romy Schneider.
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La BO = https://www.youtube.com/watch?v=kqDIF840jg4
(rien que pour le chimpanzé et le caniche…) !
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La bande-annonce (rien que pour voir danser le chimpanzé et le caniche…) : https://www.youtube.com/watch?v=kqDIF840jg4
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Les liens ne fonctionnent pas mais je vais aller voir cette danse, un moment dans le roman qui m’a tellement touchée que je n’ai pas su comment en parler, comme la scène de l’anniversaire chez Sonia et ce que Gary dit que son goût pour le malheur et la résignation au malheur, et même la satisfaction de souffrir. j’ai relu plusieurs fois ces pages et les mettant en relation avec le personnage de l’écrivain dans Eugénia de Duroy.
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Zut, j’ai posté deux fois un 3e commentaire qui n’apparaît pas (il a dû se mettre dans tes indésirables…), je dois être limitée à un certain de nombre de commentaires par billet par WordPress !! Je triche en postant en anonyme..
Ingannmic
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Mon dieu que je déteste le pardessus d’Yves Montant, il ne colle pas du tout à Michel ! Mais Romy a l’air sublime, mais bon, Romy, pour moi, elle est toujours sublime !
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Oui, je suis d’accord pour le pardessus, et pour Romy Schneider (je suis fan aussi !).. mais Yves Montand, hum… disons que pendant ma lecture, j’ai imaginé Michel sous les traits de Romain Gary, alors là….
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Tout pareil, (décidément !), je ne voyais pas du tout Montand dans le rôle de de Michel, et vraiment ce pardessus genre Columbo chic des années soixante dix ne colle pas du tout à ma lecture. Je le le voyais flamboyant Michel, flamboyant fatigué comme les images que l’on a de Gary, dont j’avais le regard bleu dans la tête pendant toute ma lecture.
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Je lirai ce roman unjour ou l’autre, c’est sûr !
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J’en suis sûre ! quand on aime Gary, on ne peut pas passer à côté de ce titre.
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Mais oui, je ovulais parler du film, mais tu connais!
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Non, je ne connais pas le film, juste la bande annonce, découverte hier suite au commentaire d’Ingannmic. Mais elle donne fait pas vraiment envie. (Malgré la présence de la sublime, toujours sublime, Romy)
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Quel roman superbe ! Roman Gary a une écriture qui m’enchante. Si tu ne connais pas bien Romain Gary, je te conseille Les cerfs-volants et tous les autres…
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Non, je ne connais pas bien encore mais je suis lancée telle un caniche rose en plein paso doble. je n’ai jamais entendu parler des Cerfs volants, je vais jeter un oeil chez ma complique Ingannmic, qu a une longueur d’avance sur moi.
On s’est programmé Gros Calin, tu connais ?
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Je connais Gros-câlin, je l’ai dans ma PAL mais je n’ai pas encore lu… je pourrais presque me joindre à vous…
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Le pathétique sublime ? Tant que ça….
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Ouais, tant que cela ! J’assume !
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