Angélus, Tim Winton

Angélus est un port australien, poisseux et sinistre, les plages ont le goût de la rouille des cargos de pêche aux requins qui stagnent dans la baie, le ciel austral pèse son lot de crachin, et offre peu d’avenir. Dans les abattoirs, on dépèce des vaches qui servent d’appât aux langoustes. Ils tendent leurs mailles aux jeunes gens qui s’y coincent et fixent les destins à l’ancre. Les petits boulots y deviennent des routes vers l’ennui à demeure. Issus de la classe moyenne, sortant d’une adolescence qui les a parfois meurtris, le nez de la drogue pointe ses ailerons, plus dangereuse que les requins. Pour éviter un avenir d’occasions manquées, la plupart tente de partir, comme les deux héros de la première histoire de ce recueil de nouvelles. Le narrateur, qui a loupé l’université, entraîne son ami Biggie vers le nord et leur rêve de soleil et de vie facile. Ils voulaient prendre la route de l’évasion en break customisé, mais ils se contentent d’un vieux combi de la taille d’un abri de jardin. C’est aussi la dimension de leur aventure.

Dans Angelus, si la jeunesse s’égare, c’est souvent parce que les pères ont failli, que les amours d’enfance ont tourné court, que le brouillard a envahi les crânes jusqu’à mordre l’espoir d’une vie autre que celle qui échoue dans une caravane ou un pavillon déglingué par la violence des frustrations. Toutes les nouvelles sont reliées par ce lieu, ce qui fait que le recueil a des accents de roman choral, ce qui est passionnant, car une histoire peut se déployer à travers plusieurs personnes et selon différents angles de vue, comme c’est le cas autour du personnage de Vic, le fils du policier qui verra tant d’horreurs qu’il en prendra la fuite, laissant à son fils perdu des souvenirs d’un homme pourtant aimant, de parties de pêche en famille, sur la plage du lagon, quand enfant, il goûtait le sel sur sa peau.

Entre feux de joie, faux départs, et parfois vraies respirations et refuges, quand le déterminisme social lâche ses proies, ces petites histoires construisent un tableau âpre dans une écriture qui vous colle des larmes de blues aux accents des Doors.

L’avis qui m’a tenté, chez Ingannmic

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10 commentaires sur “Angélus, Tim Winton

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  1. Ah comme je suis contente, j’étais sûre qu’il te plairait ! J’ai sur mes étagères deux romans de cet auteur que j’ai lus il y a bien 20 ans, et dont j’ai quasiment tout oublié, je suis bien décidée à les relire du coup ! Et Marie-Claude m’avait aussi conseillé Scissions..

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    1. Et pour me convaincre de lire des nouvelles, il faut vraiment que ce soit toi ! Je suis maintenant convaincue de poursuivre la lecture de cet auteur avec ses romans. l’écriture est à la fois tendue, sensible, avec ce vibrato singulier qui me parle immédiatement. Dès la première « aventure », j’étais dedans, intensément. Donc merci pour la découverte !
      Je note Scissions pour continuer.
      Rien à voir, mais te souviens-tu que l’on avait évoqué une lecture commune de Gros Calin ?
      Septembre va être chargé avec le mois américain. Tu dirais quand ? Octobre ?

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      1. Bien sûr que je me souviens pour Gros-Calin (et la note de Krol sur ce titre laisse espérer que nous ne serons pas déçues…) ! Octobre me va, plutôt aux alentours du 10 si c’est bon pour toi.

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      2. J’ai survolé la note de Krol du coup, mais j’en ai assez vu pour voir qu’elle a été touchée. Donc, à nous maintenant de découvrir encore une nouvelle version de cet inclassable Gary Ajar. Vers le 10 octobre parfait pour moi. Je suis en train d’organiser ma participation au mois américain pour septembre, j’espère participer autant que toi ! Mais ça va être rude …
        J’ai aussi gardé ma note sur le titre du Gamboa pour le 25 septembre, ce n’est pas le même titre que toi et Marilyn, mais il me semble qu’on en avait parlé.
        Bref, toute une organisation en cette rentrée, sans compter l’autre rentrée, beaucoup moins allègre.

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      3. Je bloque donc le 10 pour Gary.
        J’avais oublié pour le Gamboa, mais peu importe, je suis ravie que tu nous accompagnes, j’ai déjà lu Nécropolis 1209 et j’ai beaucoup aimé…
        Quant au Mois Américain, j’ai presque fini mes lectures (et la plupart ont été fructueuses), il ne me reste plus qu’à rédiger les billets (et ce n’est pas le plus simple…), à ceci près que j’avais prévu de lire un Graham Greene pour le thème « Le désir » et que je viens de réaliser que c’est un auteur britannique (mais je crois de toute façon que je n’ai pas dans ma PAL de titre américain correspondant à ce thème…) !!

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      4. Na na nère, pour une fois j’ai de l’avance sur la rédaction de mes notes pour le mois américain ! J’ai failli faire la bourde inverse entre anglais et américain. J’avais prévu une publication sur un Wharton aujourd’hui, avant de me souvenir qu’elle est américaine et non anglaise. Je l’ai donc gardé de côté … Mais comme je ne suis pas organisée, j’ai oublié pour quel thème ^-^

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