L’empreinte, Alex Marzano-Lesnevich

Jérémy a disparu avec son fusil à balles BB. Il est passé chercher son copain dans la maison voisine de la sienne. C’est Ricky qui a ouvert la porte,  qui l’a tué, puis caché dans le placard de la chambre qu’il louait à un couple désargenté, en échange de baby sitting …

Lorelei Guillory, la mère de Jérémy, a échoué dans ce quartier délabré, que même la police a du mal à situer, dans une ville moyenne dans l’est des USA. Quelque part, où, comme ailleurs, sur le parcours chaotique de Ricky, d’autres enfants ont peut-être disparu. Mais, en ce premier soir, personne n’en sait rien, alors les recherches se mettent en place, on crie, on fouille les bois, on soutient la mère, on apporte du café. Jérémy participe, offre de l’alcool à Lorelei. Trois jours après, les policiers retrouvent le corps du petit garçon, toujours caché sous les couvertures dans le fond du placard de la chambre du jeune homme.

Douze ans après le procès et la condamnation de Ricky, Alex, la narratrice, étudiante en première année de droit, farouche opposante à la peine de mort, effectue un stage dans un cabinet d’avocats spécialisés dans la défense des criminels. Il est question de rejuger Ricky, de reconstruire son parcours peut-être encore plus criminel. Alex se retrouve face à face avec la vidéo des aveux, et bascule du côté de la haine. S’amorce alors un autre récit, l’histoire de sa famille, de son père avocat, dépressif mais flamboyant, de sa mère qui aimait les fêtes et les robes, de la grande maison familiale, dont le grand père grimpait les marches de l’escalier, parfois la nuit. les parents absents, la grand mère qui dort, les actes obscènes sur elle et sa soeur. La bouche monstrueuse qui les violente est pourtant la même que celle qui prodiguait avec tendresse baisers et conseils. La même main qui guidait les dessins d’Alex sur le papier, dans le salon.

La narratrice, tout en cherchant à comprendre les ombres, les non dits, les images de son passé, reconstruit aussi celui de Ricky. De la naissance dans une famille détruite par un drame, rongée par la honte, abrutie par la misère, un enfant dont les troubles psychologiques font de lui un objet de craintes et de suspicions. Un jeune homme, toujours suspecté d’actes pervers, par son entourage, par ses multiples employeurs, logeurs … Toujours en fuite, louvoyant, entre son désir d’avouer, de se faire soigner, et ses fanfaronnades, ses mensonges et demi vérités … Les récits questionnent le prix du silence de tous, le prix pour Alex et pour Jérémy. Le lien entre les deux est parfois artificiel, tant les deux mondes se situent à des antipodes culturels, mais justement, même si c’est acrobatique en roman, on touche deux fois du doigt ce flou qui entoure les crimes . La démarche d’Alex ne conduit pas à la résolution ou à la rédemption mais au constat que l’on ne connait d’un crime que la partie immergée de l’iceberg, que la compréhension du parcours d’un criminel n’efface pas sa culpabilité. Compréhension n’est pas pardon.

Un « polar autobiographique », entre documentaire et fiction, à retenir.

6 commentaires sur “L’empreinte, Alex Marzano-Lesnevich

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  1. Tu sais quoi ? Je suis absolument ravie que tu l’aies lu : depuis sa sortie, j’oscille, au gré des avis contradictoires, entre « il me le faut » et « je passe mon tour »… Tu viens de refaire pencher la balance en sa faveur..

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    1. Je l’ai classé dans « entre les deux ». Ce n’est donc pas un coup de coeur (mais il m’en faut beaucoup pour un coup de coeur). Je pense que tu peux y retrouver ton compte, même si ce n’est pas un grand roman, il pose le thème de la culpabilité, ou plutôt, de la reconnaissance de la culpabilité, sans construire de frontières faciles entre le bien et le mal.

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  2. J’attends pour le découvrir…. Depuis sa sortie j’attends et je ne sais pas trop pourquoi….. Mais j’ai la possibilité de le « lire » en lecture audio et j’attends le bon moment. En tous les cas la chronique le remet en avant 🙂

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    1. Je ne sais pas comment il peut passer en audio, mais j’ai du mal avec les textes longs en audio, comme ma petite chronique « je ballade mon portable » le dit.
      En papier, il ne faut pas trop en attendre du point de vue littéraire mais la démarche de reconstitution de l’itinéraire de Ricky est très intéressante voire perturbante par moment.

      Aimé par 1 personne

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