Etés anglais, Elizabeth Jane Howard

En ce premier tome de la saga des Cazalet, deux étés sont contés, tout en contraintes superficielles, frivoles, insouciantes …

Le monde des Cazalet se décline en trois frères, trois belles sœurs, beaucoup d’enfants, de plus en plus d’enfants, une pléthore de domestiques, trois domiciles londoniens, une entreprise de bois précieux, fondée par le patriarche, et surtout, un domaine familial, Home Place. Basé dans le Sussex, cette ancienne ferme rénovée, toujours agrandie, est le royaume de ses deux étés. Le premier, 1937, permet de planter le décor champêtre, dans le deuxième, 1938, on glisse vers les tensions de la guerre et le beau monde des Cazalet se met à fourmiller des nombreux préparatifs nécessaires à la bonne marche de leur équilibre fraternel, très étendu aux cousins, cousines, vieilles tantes et amis proches.

Le plus fort dans ce roman, si léger par ailleurs, même quand le drame pourrait affleurer, est que, malgré le tourbillon des personnages, on ne s’y perd pas car chacun est doté de caractéristiques définitives. Ainsi, la duche, la grand mère, est la gardienne des traditions, les toasts à double couche sont une hérésie, on ne mélange pas le beurre et la marmelade, on ne prend pas non plus de bains trop chauds qui ramollissent. D’une grandeur vieillotte, on ne l’a jamais vu pleurer, même quand deux de ses fils étaient à la guerre, ni émettre une opinion personnelle sur un autre sujet qu’une interprétation musicale. Sans compter qu’elle est la reine de la robe à smocks, dont elle maitrise le pincement puritain jusqu’au bout des doigts. Car c’est un monde où le confort et l’argent n’empêchent pas l’organisation domestique, où l’on reprise les draps, où le sacrifice de soi est altruiste, où le mensonge est bienséance …

Edward, le second frère, est le plus charmant, Hugh, l’ainé, le plus lucide, le plus inquiet. Des trois, seul Ruppert, le plus jeune, n’a pas fait la guerre et il est aussi le seul à ne pas travailler pour l’entreprise, il est peintre, remarié à une jolie plante égocentrique, Zoé, la seule belle sœur à avoir échapper à la maternité. Les deux autres, Sybill et Villy, s’en accommodent, comme on s’accommode aussi de ses devoirs conjugaux, des désirs masculins, aussi naturels que validés par les convenances, les convenances faisant loi. Les trois épouses taisent d’autres désirs,  qui les font parfois un peu frémir.

Tout ce monde joue au tennis avec élégance, se change à l’heure du thé. On va à la plage en cortège, les coffres emplis des tourtes confectionnées maison  par la cuisinière, reine en son domaine. Les enfants engouffrent les groseilles à maquereaux du verger, complotent pour se coucher plus tard, opposent une résistance silencieuse aux diktats du bain… Les duos, trios se forment selon les âges, les curiosités des grandes se détachant petit à petit de la construction de cabanes au fond du verger. C’est un monde où l’expression « avoir ses règles » est dégoutante pour des mères qui craignent en secret d’affronter une nouvelle grossesse, inquiétude que leur maris, pourtant aimants, ne doivent pas percevoir et ‘elles acceptent de désirer enfanter, sans autre choix possible.

C’est un monde où les adultes lisent le times, et les jeunes filles Shakespeare, où on sourit aux  tantes victoriennes, où Sidney ne peut posséder Rachel, non pas parce qu’elle est à  moitié juive ( cette moitié  lui est pardonnée) mais parce que l’amour ne peut connaître le désir, et surtout pas celui-là.

Une chronique au long cours, où pour l’instant chaque problème à sa solution, comme on sait que parfois les volcans se mettent à gronder.

 

28 commentaires sur “Etés anglais, Elizabeth Jane Howard

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    1. C’est un titre charmant, oui, mais qui frotte quand même un peu les belles dentelles … Il est certain que que j’ai très envie de lire la suite ! Même si j’aime bien être dans la tête des épouses, dont les subtiles palpitations d’indépendance sont passionnantes à décrypter.

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    1. Elles sont rouvertes, et je suis certaine qu’il va falloir que tu réserves ! j’ai lu dans un article fiable (genre le Monde …) que ce titre a été le grand succès du premier confinement, uniquement porté par les blogs et le bouche-à-oreille. Je n’en suis pas du tout étonnée.

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  1. Rien à voir, mais je viens de lire ton commentaire laissé suite au billet de The Austist sur le dernier Mauvignier : tu as vu que j’avais laissé presque le même (à ceci près que suite à une 1ère tentative avortée avec Des hommes, je n’ai pas spécialement envie de lui donner une 2e chance) ?!

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    1. Si tu savais … Comme j’arrive toujours après toi sur les commentaires ( nous suivons quand même pas mal les mêmes blogs), à presque chaque fois, je pourrais mettre « Comme ingannmic » ! mais bon, je me force à personnaliser un peu quand même.
      Pour Mauvignier, la note de The Austist a presque réussi à me convaincre. Et toi ?

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      1. Pas vraiment, j’ai réellement gardé un mauvais souvenir de mon expérience avortée de « Des hommes »… et puis, j’ai tout un tas d’autres trucs à lire, bizarrement… !

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    1. Si mes renseignements sont corrects, il y aura quatre tomes, largement étalés dans le temps, puisque le dernier est prévu en 2022. Perso, je ne serai pas contre une pétition à l’éditeur pour qu’il se grouille un peu !
      C’est gentil pour mon article, mais tu devrais quand même tenter le livre …

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  2. Cette saga me tente énormément (je dois avouer honteusement qu’en plus des avis enthousiastes les couvertures y sont pour beaucoup) sans que me sois encore décidé.
    Il est fort probable qu’une éventuelle parution en coffret réunissant les 3 tomes ne finisse par me décider.

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    1. Je suis fan de cette série, et j’ai souvent vu la comparaison entre les deux dans des articles ou sur les blogs. Mais en fait, même si on est dans le même genre d’atmosphère, ce n’est pas la même classe sociale, les Cazalet sont de gros bourgeois riches et propriétaires terriens, beaucoup moins corsetés. La vie des épouses et leurs points de vue intimes sont assez subtilement évoqués.

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