Ce qui m’a attirée vers ce titre est la dernière grande installation de Louise Bourgeois réalisée sur l’île de Vardo, une trace des procès pour sorcellerie, de la chasse aux sorcières, qui se déroula durant tout le XVII ème siècle au Finnmark. L’instauration du règne d’un luthérianisme strict et intransigeant entraina la disparition des rites des Samis et la fin de la porosité culturelle entre les tribus indigènes et les autochtones vivants sur ce territoire conquis, rude et âpre de l’extrême nord, dont les Samis connaissaient les vents et les plantes.
On pénètre dans cette histoire de fureur religieuse par une figure féminine, la jeune Maren, fille de l’île, fille, soeur et promise de pêcheurs. La veille de la grande tempête de 1617, elle a rêvé d’une baleine échouée. Le lendemain, 40 hommes périssent en mer en quelques minutes. Une tempête surnaturelle qui alimentera les braises des rumeurs assassines.
Une île sans pêcheurs, sans maris, sans fils, est une île qui est en grand péril. C’est aussi pour quelques femmes un territoire à reconstruire, un combat à mener pour la survie et en faisant fi des rôles traditionnels qui ne peuvent plus être tenus. Kristen incarne la figure de ces femmes qui prennent les rames et partent en mer pour assurer la pérennité de la communauté. Mais d’autres murmurent sous cape, et lorsqu’un nouveau pasteur est nommé pour assurer que les boulons seront bien gardés dans l’obéissance, les âmes frileuses et pieuses se regroupent autour de lui. Pêcher est pêcher et on se montre du doigt, on se hausse du col, on sort les crucifix, on pointe celles qui conserve les runes, traces de la civilisation Sami et de leurs connaissances des plantes qui soignent.
Le lit est fait pour que le véritable prédateur puisse s’y installer et déchainer les foudres de l’inquisition. Le délégué Absalom, nommé par le seigneur du lieu, débarque sur l’île investi de sa mission, son cœur ardent ne brûle qu’en l’orgueil de sa tâche, torturer, bruler, mais pour cela, il lui faut des coupables. En passant par Bergen, il s’est procuré une femme, Ursa, dont la soumission semble acquise. Violentée par sa condition d’épouse, par les rudesses de l’île, Ursa subit, et rencontre Maren. L’histoire peut alors, enfin, peut-être, échapper au contrôle des âmes.
L’atmosphère est poisseuse, rancœurs, manipulations, l’intrigue est cependant toute tracée. L’intérêt est malgré tout dans l’absence de propos convenus, car ce que l’on voit ici se mettre en place est une forme de complicité passive de la communauté contre elle même, un aveuglement dans l’auto destruction. Absalom, finalement, n’a que peu à faire pour allumer les buchers. La géographie insulaire est aussi un des motifs poétiques qui tient le roman, tissant des imaginaires dans l’obscurité des désirs, des frôlements, et la nature grandiose, terrifiante.
Mon regret est que la culture Sami soit si peu évoquée, n’étant incarnée que par le personnage de Diina, la belle soeur de Maren, qui garde ses secrets et s’évanouit rapidement du roman.
La culture Sami est peu évoquée parce que l’accent est mis sur la chasse aux sorcières… J’ai aimé être dépaysée dans ce paysage glacial et dans un temps il ne faisait pas bon penser autrement.
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J’ai aussi beaucoup aimé le rapport aux paysages, c’est prégnant et le roman en prend de l’ampleur.
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J’ai prévu de le lire, je vais essayer de lui trouver une place ..
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Moi, ça se bouscule en ce moment, la gestion du quotidien me prend beaucoup de temps et mon temps de lecture et de blog en prend un coup ! Mais je vais me rattraper !
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il me tente beaucoup 🙂
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On en parle beaucoup, en plus. Même si ce n’est peut-être pas un indispensable de là tout de suite maintenant …
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C’est vrai que la culture sami reste un peu en arrière-plan, mais ça aurait été trop convenu de faire de la belle-soeur de Maren une victime de la chasse aux sorcières… son départ est assez logique, en plus.
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J’avoue avoir craint un moment ce cas de figure (la belle soeur de Maren en victime de la chasse aux sorcières, je veux dire), mais ouf ! Elle est partie avant que le méchant ne se déchaîne. C’est vrai que sa disparition est logique, mais quand même …
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Un livre que j’ai beaucoup aimé également.
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Dépaysant pour les paysages et les figures féminines et leurs tensions sont bien croquées.
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Une lecture qui ne me tente pas, mais je vais me renseigner sur la dernière création de Louise Bourgeois.
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Cette dernière installation de l’artiste est, comme toujours, clairement engagée et même en photo, je trouve que l’on sent sa puissance.
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A force de voir passer des avis intéressants sur ce titre j’ai fini par le noter… je vais guetter sa sortie en poche le moment venu.
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J’attends souvent moi aussi les sorties en poche, mais depuis que les librairies ont rouvert, j’avoue que j’ai un peu plus craqué que d’habitude pour les brochés. Une forme de compensation, sûrement. Et puis, c’est un bon roman, mais il peut attendre …
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J’avais lu des livres avant celui-ci qui parlait de la culture sami et des persécutions exercées sur eux. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas complètement adhérée à cette histoire. Il m’a manqué quelque chose, bien que je reconnaisse les qualités de cet ouvrage. Mais Krilfranca a raison, les samis ne sont pas le sujet de Les Graciées mais cette chasse aux sorcières qui aboutit à tant de condamnations à mort.
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Krolfranca a raison, mais cela n’empêche pas que j’ai été un peu frustrée quand même … Il m’a manqué un petit plus d’âme, un je ne sais quoi de frissons … Et tu m’intéresses beaucoup à propos de tes lectures sur les Samis, je vais aller faire des recherches sur ton blog ou si tu repasses par ici, je veux bien des références.
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