Le messager, L.P Hartley

Léon Colston est un collégien anglais qui rêve d’un avenir brûlant, il est persuadé que l’année 1900, qui s’ouvre devant lui, est celle de tous les possibles. mais c’est en cet été qu’il va définitivement se brûler les ailles et c’est un narrateur vieillissant, solitaire, à la vie monotone et sans amour qui rouvre le journal intime si précieux pour l’adolescent palpitant qu’il fut.

La première page représente les figures de l’horoscope, support de ses rêveries anciennes et se rouvre la boite de Pandore de sa mémoire. A 13 ans, ces pages étaient pour lui si magiques, qu’il n’y consignait que les moments exceptionnels, dont le résultat d’un match de football qui lui valu « un sort fatal ». Cette expression grandiloquente, découverte par d’autres collégiens plus âgés, lui valut sa première expérience douloureuse d’exclusion. Dans le collège de Léon, les règles sont strictes, même si elles sont implicites. On ne se plaint pas, on ne demande pas d’aide, on trouve seul le moyen de ne plus être une victime. Léon le sait, l’accepte. Le moyen qu’il trouve pour se sortir de ce mauvais pas, est caractéristique de l’imaginaire enfantin et lui confère dans son collège, un statut de magicien, mais conforte aussi son goût pur l’exceptionnel, l’unique, une forme d’orgueil qui jouera dans sa perte.

Ce malentendu lui vaut une invitation à passer deux semaines de vacances dans la demeure fastueuse de la famille aristocratique de Marc, à Brandham Hall, alors que Léon est d’une origine sociale bien plus modeste. Enfant unique et maladif, il ne connait pas les codes du monde qu’il découvre et fasciné, se laisse troubler par les costumes blancs, les canotiers, par la liste des titres des vicomtes  sur le mur de l’église, par Lord Trémingham, au visage labouré par la guerre de Boers, et surtout par Marian, sœur aînée de Marc, dont tout semble indiquer les futures fiançailles avec le lord. Mystérieuse, intense et lumineuse vierge du zodiaque, dans l’imagination du jeune garçon, elle est la seule de la ronde des adultes qui lui prête attention et le tire d’affaire alors que la température montant sans cesse, Léon étouffe dans son costume inadapté, même si c’est sous les regards de Marian que Léon fond littéralement.

A cause de son tour de force au collège, Léon se pense investi d’une mission, aux contours flous, qui a la couleur d’un Robin des bois, d’un chevalier servant, prêt à tout pour faire plaisir à sa dame, mais les plaisirs de Marian lui sont bien inconnus et le secret devient fardeau puis le piège se referme sur lui et ses idéaux.

Le roman décortique, parfois longuement, les états d’âme du jeune messager, ses bévues, ses choix contraints par des sentiments qui lui sont inconnus. Une sourde mélancholie fait aussi le charme de ce récit qui oscille entre le merveilleux de l’enfance, son innocence et ses cruautés, la découverte d’un monde adulte où les masques ne tombent pas. La lenteur du rythme s’accorde avec la tension grandissante, tapie à l’ombre d’un match de cricket, d’une baignage dans la rivière, des cadeaux d’anniversaire, d’une chanson ou deux lors d’une fête au village. La cruauté de la manipulation de Marian se voile d’enchantements candides, avant que le théâtre ne se recouvre d’ombres.

Une participation à A year in England.

4 commentaires sur “Le messager, L.P Hartley

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  1. Je découvre cet auteur avec la saga Eustache et Hilda dont j’ai lu les deux premiers tomes et que j’apprécie de plus en plus. Le messager est apparemment son roman le plus célèbre mais je ne l’ai pas lu mais dans Eustache et Hilda il s’attache beaucoup à la psychologie de ses personnages et je ne trouve pas cela trop pesant:-)

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