Le roman préféré de Lydia est l’amour au temps du choléra. Elle est libraire à Acapulco et le soir, elle coupe des herbes aromatiques pour parfumer les plats qu’elle sert à Sébastian, son mari et Luca, son fils de huit ans, tout en écoutant d’une oreille compatissante à la radio les récits de la misère des migrants qui fuient vers El Norte, les violences dont sont l’objet ceux qui abandonnent leur vie pour endosser un sac à dos et grimper sur les toits des trains, de la Bestia, surnom qui fait frémir la jeune mère de famille. Elle se pense à l’abri de l’horreur que font régner les cartels au Mexique. Alors que non, en fait, l’horreur est toute proche. D’abord parce que son mari, Sébastian, est un journaliste engagé dans la lutte contre les cartels, qui lui, voit et comprend ce qui est en train de se passer dans leur ville, jusque là protégée par le tourisme. Mais les corps décapités se font de plus en plus visibles, autant d’avertissements de la montée en puissance des Jardinéros, dont les occupations sont loin d’être potagères.
Ensuite, le client préféré de la librairie, charmant, cultivé et très mauvais poète, se révèle être le chef de ce cartel. Surnommé la chouette, il est le responsable des cruautés nécessaires à sa prise de pouvoir et malgré le penchant qu’il semble éprouver pour la jeune femme, c’est bien lui qui ordonne le massacre de sa famille, 19 personnes assassinées dans la cour, lors de la fête des quinze ans de sa nièce. Quelques minutes où elle et Lucas, réfugiés dans la maison, entendrons le sang froid des assassins dans les bruits des tirs. Avant de partir, ils ont accroché une pancarte au cou de Sébastian le désignant comme la cause de la vengeance du cartel sur toute sa famille. Lydia sait que les crimes resteront impunis et que la chouette ne les épargnera pas. Alors commence le récit de leur fuite. Pour se sauver, ils n’auront d’autre choix que de devenir à leur tour des migrants, de se fondre dans la masse poussièreuse de ceux dont elle écoutait la misère à la radio.
Le roman brasse toutes les problématiques de ces migrants, cohorte jetée en pâture à toutes les violences possibles, celles des narcos, celles de la police corrompue, celles des autres migrants, vols, chutes du train, viols, faim, crasse, la peur et l’angoisse sont constantes pour Lydia et son fils, qu’un seul regard peut livrer. Quelques gestes de solidarité surnagent malgré tout et la rencontre de deux sœurs hondurienne, Rébecca et Soledad, dont la beauté est le pire des dangers, finissent par former la fragile famille de Lucas et Lydia.
Je l’avoue, je suis restée dubitative pendant toute cette épopée, sans adhérer à l’émotion attendue, aux palpitations d’angoisse qui parsèment, à intervalles réguliers, la route de cette mère courage et de son petit garçon si courageux, serrés l’un contre l’autre. Mère poule et petit poussin faisaient pourtant un met de choix pour la tragédie, mais à trop vouloir sauvegarder l’humanité de ses personnages, ils se retrouvent sacralisés.
Sans compter que, l’Amérique n’a pas forcément un grand coeur et que cet aspect politique est survolé, donnant à El Norte un but de carte postale pour des migrants dont le portrait est simplifié pour correspondre au plus grand nombre de misères possibles. Finalement, j’ai eu l’impression d’une parole en faveur de …, très documentée, qui aboutit à un récit convenu, politiquement gentillet.
C’est vraiment dommage qu’un récit devienne « gentillet » sur un tel thème.
J’aimeJ’aime
Le terme « gentillet » est peut-être un peu fort, je voulais dire que le récit en voulant brasser tous les cas des migrants ( du moins beaucoup), ne se donne pas les moyens de les approfondir. Du coup, le message, humaniste et bienveillant, en devient lisse.
J’aimeJ’aime
Je ne l’ai pas ressenti comme toi, j’ai été happée par ce drame… je dois être « bon public ». 😉
J’aimeJ’aime
J’ai bien conscience d’être passée à côté de ce livre que plusieurs de mes amies ont adoré … Je vais me faire taper sur les doigts !
J’aimeAimé par 1 personne
Amusant ce ressenti, pas du tout ce que j’en avais lu jusque-là… Un jour peut-être je m’en ferai une idée…
J’aimeJ’aime
J’ai bien conscience d’être à contre courant … Mais j’ai lu aussi des articles qui soulignent que la volonté de « bien faire », de » bien dénoncer » était trop présente et donnait des migrants un portrait réducteur.
J’aimeAimé par 1 personne
J’allais noter… avant de lire la fin de ton billet ! Et puis, après Winslow, je suis très réticente à me tourner vers d’autres romans abordant ce thème des cartels mexicains et de leurs « accointances » avec les Etats-Unis…
J’aimeJ’aime
Dans ce roman, les accointances sont à peine évoquées, les USA sont présentés comme un pays, certes difficile à atteindre et où il est complexe de rester, mais la dimension politique des cartels est juste esquissée. Mais il est vrai qu’après la lecture de la trilogie de Winslow, tout autre roman parait simplifié. C’est le cas encore pour les violences exercées sur les populations qui doivent partir dans ce roman, où il est dit le poids du cartel des jardineros, mais par ma part, je le l’ai pas vraiment senti dans le récit.
J’aimeJ’aime
Je l’ai fantastiquement prenant avec une immersion dans les ramifications des cartels mexicains et l’ambiguïté d’une relation amicale … Pour moi un excellent roman 😍❤️
J’aimeJ’aime
C’est vrai que la relation entre Lucia et le chef du cartel était une piste intéressante, mais peu exploitée, je veux dire qu’elle m’a là aussi semblé plaquée, car un chef de cartel poète et esthète aurait mérité une explication …
J’aimeAimé par 1 personne
Une lecture qui m’avait emportée, j’avais complètement adhéré.
J’aimeJ’aime
C’est le cas de beaucoup de lectrices et lecteurs … Tant pis pour moi, mais je suis restée de marbre !
J’aimeAimé par 1 personne
Je me souviens avoir adoré ce roman, sur le coup. Avec le recul, la relation entre la mère libraire et le chef de gang me semble invraisemblable et oui, le tout est très politiquement gentillet…
J’aimeJ’aime
Dans certains articles que j’ai lus sur ce roman, il est même question d’une polémique lors de la publication de ce roman. Il a été reproché à l’auteure de parler au nom des migrants, alors qu’elle est loin de leur vécu, de part sa situation sociale. C’est quand même exagéré, je trouve ! Est-ce qu’on reproche à Flaubert de n’avoir pas été une femme mal mariée ?
Mais malgré tout, j’ai retrouvé dans ces articles quelque chose de ma gêne vis à vis de cette lecture.
J’aimeJ’aime
J’ai aussi eu vent de cette polémique. Je trouve aussi qu’on frise l’exagération. Flaubert est un bon exemple. Il y en aurait mille autres!
J’aimeJ’aime