Ecrire une note sur Francis Rissin est peut-être ajouter un épisode de plus au long récit de l’épopée de Francis Rissin dont il est question dans ce pavé, du début à la fin, sans que l’on sache qui est véritablement Francis Rissin : sûrement un personnage qui a fasciné les foules, mis en place un système politique franchement patriotique, au nom d’une France éternelle, rétabli la peine de mort, s’est peut-être incarné en de multiples Francis Rissin, et encore, rien n’est moins sûr …
Les onze chapitres sont autant d’enquêtes éclatées qui donnent autant de pistes qu’elles ne les brouillent : extraits d’archives secret défense, de roman feuilleton recalé à la censure, de documentaires interdits, voire jamais réalisés pour cause de disparition prématurée de l’auteur, de témoignages jamais édités, de manuscrits apocryphes, dissimulés dans les oubliettes de la BNF…. Tout est rumeurs, conspirations de l’ombre et même si le parcours du personnage semble chronologique, cette chronologie s’efface au profit d’une remontée dans le labyrinthe d’hypothèses loufoques, mais pas drolatiques, car c’est une fiction politique qui fait froid dans le dos, une idéologie obscure et sans programme nourrie du patriotisme chauvin et nationaliste qui relève la tête comme les gallinacés de villages se prenant pour des vrais conquérants.
Les onze documents constituent un puzzle lacunaire, discontinu et très troublant. La première narratrice s’est mise à la recherche de l’insaisissable Francis Rissin comme on court après le Saint Graal, elle se perd dans dans les citations cachées, dans les mises en abime de mises en abime. On se pense dans un jeu littéraire, un pastiche à la Echenoz, un truc oulipien autour de l’idée de l’écrivain misologue … Mais pas du tout, du roman collage on passe à l’épopée populiste … Dans les villages les plus oubliés de la carte électorale, la ruralité du désert français, surgissent de nulle part des affiches bleues avec la seule mention du nom de Francis Rissin. Pas d’indications d’un parti, d’un programme, d’une idée, seul un nom qui sonne comme celui du guide et du sauveur pour ceux qui, sans l’avoir jamais vu, se mettent à le suivre, à l’aduler. Il se multiplie sur le territoire, introuvable et omniprésent, porté par une ferveur délirante vers ce qui semble être une marche triomphale vers le pouvoir.
D’autres indices confirment cette hypothèse : Francis Rissin est le sauveur de la patrie, le Rambo des partisans de la peine de mort, le guide porté aux nues par une exposition de son propre culte, un être kaléidoscopique, dont les silences distillent des saloperies d’idées, d’autant plus facilement que les cerveaux y sont disponibles, et que les paroles comblent les creux de la pensée avec du tout fait … Se dessine en creux la manipulation : le saint martyr ou le meurtrier ? Le nouveau Vercingétorix gaulois ? le nouveau Jeanne d’Arc incarnant les valeurs viriles du chef ?
La forme du livre est insolite, les récits se recoupent mais ne donnent pas toutes les réponses, mais justement parce que, finalement, Francis Rissin n’a pas vraiment besoin d’être incarné, il est l’idée. L’idée d’un guide unique et qui donc doit être multiforme pour se prêter à toutes les légendes, s’incarner dans le flou des rumeurs qui s’alimentent d’elles mêmes et créent le mythe. Dès lors, la propagande et la manipulation n’ont même plus besoin d’un visage, des hologrammes suffisent pour actionner les leviers.
Une lecture qui dérange, dans le sens où le coup du type sur son cheval blanc va sauver la France du marasme grâce à de la poudre de perlimpinpin …. on n’aimerait bien croire que ça ne marchera pas …
Une participation au pavé de l’été ( 611 pages aux éditions Tusitala)
j’ai abandonné cette lecture mais je la reprendrai peut-être.
J’aimeJ’aime
Le format est singulier et demande d’avoir du temps pour s’imprégner … Il faut le bon moment pour se lancer !
J’aimeJ’aime
Ah Francis ! Lecture obsessionnelle, à vous rendre un poil schizophrène, mais tellement addictive. Elle me hante encore, je voudrais recommencer car je pense que la première lecture est loin de livrer toutes les facettes de ce texte protéiforme.
J’aimeJ’aime
J’avais lu ta note enthousiaste ! Je suis moins acro que toi mais c’est vrai que la découverte est assez addictive. Cette forme de politique fiction est troublante. Bien sûr qu’on se dit que ce n’est même pas vrai … quoique …
J’aimeJ’aime
Il est dans ma mire, depuis que j’ai vu sa parution chez Tusitala – maison dont je suis à l’affût de tous les titres. Je me demande quand je prendrai le temps de m’y plonger. Il a tout pour piquer ma curiosité et même, me rendre accro!
J’aimeJ’aime
J’ai mis presque un an à me décider à sortir ce pavé de mes étagères ! Je me connais, les pavés, il me faut des plages libres et particulièrement pour celui-ci, bien tortueux ! J’ai regardé les autres parutions de cette maison d’édition, assez culottée pour publier ce texte, mais je ne connais aucun autre titre. Si tu as des conseils, je suis toujours preneuse.
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis une inconditionnelle de Richard Krawiec. Mais je me demande si ça te plairait…
J’aimeJ’aime
Oh là que j’aime ce genre de livre!!! Je m’y suis plongée avec bonheur…
J’aimeJ’aime
Cela ne m’étonne pas ! Je note souvent chez toi des parutions un poil décalées ! Pour mon plus grand bonheur …
J’aimeAimé par 1 personne
Une lecture déroutante et un personnage que l’on n’oublie pas.
J’aimeJ’aime
Je l’ai lu cet été. Il est déroutant et fascinant. Je me situe sur le même longueur d’onde que toi… pas une inconditionnelle comme Nicole, juste une lectrice qui a apprécié l’ensemble et qui a aimé être dérangée par la forme et par le fond.
J’aimeJ’aime
Un roman très habile, original, même s’il m’a aussi manqué un petit quelque chose pour en faire un coup de cœur (peut-être une première partie moins longue et moins absconse…)
J’aimeJ’aime
Damned ! Mon commentaire n’est jamais passé. Je tente à nouveau en passant par le lecteur de l’appli WP (et non pas directement par le site), on verra.
Donc je te disais que, après avoir repéré ce titre à sa parution, je ne m’y suis finalement pas risquée, de peur de m’y ennuyer un peu…
J’aimeJ’aime