Il me reste peu de romans à lire de cet auteur à multiples facettes, et force est de constater qu’avec ce titre, il change encore de registre. Après le western crépusculaire d’Incident à Twenty mile, le polar urbain de The Main, l’hétéroclite roman d’espionnage de Shibumi, l’auteur se frotte au thriller psychologique qui fleure bon la Daphnée du Maurier.
Le récit commence dans la nostalgie d’un retour arrière, l’été où Katia et le narrateur, Jean Marc, ont été en proie à des émois troublés, définitivement évanouis. La jeune femme fut son amour et sa douleur du jeune homme en ce dernier été avant la guerre 14, été dont il est dit qu’il fut particulièrement lumineux. Pour le narrateur, ce fut le premier et dernier temps d’une vie qu’il pensait être intense, mais qui s’éteindra sans éclats à peine débutée. 25 ans plus tard, il ne trépigne plus d’impatience comme un jeune cabri sur les flanc des collines du pays basque. Il y a coulé une carrière pépère dans un petit village, et ses illusions n’ont existé que le temps de cet été.
En cet été 14, il est encore fringuant, voire arrogant. Du haut de ses études de médecine juste terminées, et de son intérêt pour les travaux du docteur Freud, il juge avec condescendance le docteur Gros, dont il est l’assistant à Salies les Bains. La petite station thermale est alors en vogue et le docteur Gros y fait tourner un établissement de soins pour femmes matures. Malgré sa laideur, le praticien est un joli coeur, et ne s’embarrasse pas de scrupules pour en faire étalage, au point que le jeune Jean Marc s’offusque de sa bonhommie libertine, alors que lui est tout en sentiments romantiques qui s’étiolent le long des berges du Gave, vu que le bon docteur Gros lui laisse pas mal de temps libre. C’est alors qu’apparait Katia, marchant sans chapeau, d’un pas décidé, elle se dirige droit vers lui, l’entraine à sa suite au chevet de son frère jumeau, légèrement blessé lors d’une compétition fraternelle en vélos…. Tout cela est bien conventionnel, me direz vous, et je ne peux qu’acquiescer, me demandant si cette fois Trévanian n’avait pas un peu tiré à la ligne et ne s’était pas égaré dans la bluette …
Sauf que la bluette prend des airs de comédie cruelle, dont les règles du jeu échappent à l’amoureux éperdu. Entre le frère et la sœur, les relations sont autant fusionnelles que mystérieuses. Ils viennent de Paris, avec leur père, un type de savant fou du Moyen Age, un érudit égaré dans la vraie vie, ils vivent en marge du village dans un domaine quasi abandonné, au jardin bruissant. Paul, le frère, est un jeune prétentieux qui soigne ses sorties mordantes et provocatrices, il s’affiche comme un dandy, inutile et précieux, veille sur sa sœur comme sur un secret. . Katia, en longues robes toujours blanches, s’approche et s’échappe … Et le narrateur tombe dans le lyrisme et dans tous les chausses trappes d’une fuite en avant dans le mensonge.
C’est donc un roman déroutant, plein de défauts, les dialogues sonnent un peu faux, les personnages semblent figés dans des postures artificielles, et puis, justement ces défauts prennent sens, dans une tonalité de plus en plus fantasmagorique, un jeu de miroir labyrinthique, comme dans les attractions foraines un peu surannées. Les souvenirs sont écaillés par le temps qui fit tourner le manège des trois personnages, à jamais perdu.
Challenge petit bac, première ligne, catégorie prénom
Tu me donnes envie de retourner lire cet auteur.
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Tant mieux ! Ses univers me parlent beaucoup, même quand je manque d’être déçue, comme ici, il y a quelque chose qui me rattrape … Un ton nostalgique, un brin de désenchantement un peu dandy …
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Je n’ai pas accroché à Shibumi, mais bon l’espionnage, ça passe… ou pas. Je retenterai avec un autre roman.
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J’ai mis un peu de temps à rentrer dans Shibumi, je ne suis pas trop espionnage, ni spéléo, ni jeu de go, ni jardin zen … Bref, rien de ce dont il est question et pourtant, j’ai fini par dévorer ce titre. Il est dit que c’est son titre culte, je comprends pourquoi, même si ce n’est pas celui que j’ai préféré.
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J’ai abandonné assez vite « shibumi » et je ne crois pas que c’est avec celui-ci que je referai une tentative.
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Shibumi, c’est le troisième que j’ai lu de cet auteur, je craignais le roman d’espionnage … Mais je voulais tout découvrir de cet auteur si singulier, alors, je me suis forcée un peu au départ. Je te conseille quand même de retenter avec Incident à Twenty mile, où la tension est prégnante et où tu suis de beaux personnages.
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Jamais lu cet auteur !
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Un auteur qui donne l’impression d’$etre plusieurs, tant le registre et le genre changent selon les romans … A découvrir selon ta tonalité préférée !
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« ces défauts prennent sens » : tu m’intrigues, là… et j’ai vu qu’il était sorti en poche. Mais bon, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, j’ai déjà prévu de lire Incident à Twenty-Mile, qui t’avait, de mémoire, davantage emballée..
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Disons que j’ai bien voulu leur donner un sens à la fin …. J’ai peut être reconstruit un peu l’histoire à ma sauce. La saveur de Daphné du Maurier n’est sûrement pas étrangère à mon impression finalement positive. Mais c’est sûr qu’Incident à Twenty mile m’avait agrippée plus directement, tu verras quand ce roman trouvera de la place dans ton programme bien planifié !
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Bonjour Athalie, depuis que je sais que Trevanian a longtemps vécu dans le Pays Basque français et que c’est là qu’il a beaucoup écrit, il faut que je me décide à découvrir son oeuvre. J’ai Shubami qui m’attend depuis un moment dans une de mes Pal. Il semble que L’été de Katya est un des derniers romans qu’il ait écrit. Bonne journée.
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C’est effectivement son dernier roman, et pas le meilleur, en tout cas, sûrement le moins abouti … Pour le pays basque, oui, tu en as dans Shubami, avec un sacré personnage haut en couleur ! On sent que l’auteur a été très attaché à cette région et à ses particularités. Dans l’été de Katya, il en utilise aussi le folklore.
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