La géante, Laurence Vilaine

imagesLa géante est une montagne qui écrase un petit hameau, sans doute quelque part dans les alpes, un hameau figé et déserté, en dehors des axes et sans pistes de ski du tout. On est dans un temps figé aussi, celui où vit la narratrice, Noële, avec un seul l parce qu’elle a été adoptée par une vieille femme analphabète, il y a un temps incertain. Sa famille en exil a été recueillie par la Tante, la mère est décédée quelques jours après leur arrivée, le père est parti peu après, laissant sous son bol de café vide une promesse de retour et quelques billets. Le jeune frère, Léon, n’a jamais appris à parler, mais il sait marcher sans relâche à la poursuite du grand duc. Sa sœur l’a surnommé Rimbaud, du temps où elle fréquentait l’école.

Mais ses connaissances sont surtout celles transmises par la Tante, les plantes, le savoir faire des tisanes et des potions, râper les racines, effeuiller la sauge, cueillir l’immortelle et tourner la viorne autour du petit bois pour faire tenir les fagots. Noële n’a jamais quitté le village, ne fréquente pas l’unique bistrot où se retrouvent les rares hommes qui y restent, Noële porte une blouse au dessus de la flanelle boutonnée jusqu’au cou, elle n’a jamais frémi de l’attente, elle n’a jamais palpité. Elle mange parce que c’est l’heure, parcourt les flancs escarpés de la gorge sauvage de la Géante sans en connaître toutes les zones d’ombre.

Ce personnage, on le découvre petit à petit , est le témoin d’une histoire de maladie et de désir entre deux personnages, extérieurs au village, Maxime et Carmen. Carmen est d’abord une femme qui hurle dans le cimetière, puis celle qui a écrit les lettres que Noële portait à Maxime, correspondance intime que la narratrice s’est autorisée à ouvrir, puisque lui ne le fait plus. Maxime est venu de Paris, il y était journaliste, amant de Carmen, elle même reporter, dans le vrai monde de la guerre et de la violence, loin très loin du monde où s’est réfugié son compagnon, atteint d’un cancer qui le prive petit à petit de ses capacités intellectuelles. Maxime a choisi le village et le silence mais Carmen ne se laisse pas faire. Sa voix est d’abord légère, puis inquiète et fébrile. mais c’est Noële qui vibre. Par effraction, elle découvre ce qu’aurait pu être le désir, si elle avait su sentir le vent sur ses jambes, se donner le plaisir de regarder le ciel et quitter un peu le poids de l’ombre de la Géante et de sa propre culpabilité.

Il n’y aura pas de révolution, Noële va juste ouvrir un peu la flanelle. Et à ma grande surprise, car la tonalité de ce récit avait tout pour m’agacer, le lyrisme mystique de la nature ne m’ayant jamais susurré à l’oreille, j’ai terminé ce roman avec un sourire de contentement. Le personnage de Noële m’a touché le coeur en sa modeste quête de frissons inconnus.

14 commentaires sur “La géante, Laurence Vilaine

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    1. Je l’ai acheté complétement par hasard … Il était en coup de coeur dans une petite librairie dans un petit coin touristique où je me baladais cet été et j’achète toujours au moins un titre dans ces cas là. C’est un geste de soutien qui me vaut parfois de jolies surprises. Et ce titre en est une …

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      1. Je me demandais comment tu avais trouvé ce roman, j’aime la façon dont tu l’as acheté. J’adore ton billet mais je ne crois pas que je lirai ce roman trop de nature pour moi.

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    1. Pas vraiment un coup de coeur pour moi, mais j’ai hésité quand même à le classer ainsi sur le blog, surtout parce que je ne m’attendais pas à être autant séduite par un univers littéraire aussi décalé. Les personnages sont aux antipodes les uns des autres, et pourtant cela fonctionne.
      Pas certaine de retenter l’expérience avec cette auteure, malgré tout … De peur d’être déçue.

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    1. Et voilà une des raisons pour laquelle je prends des notes sur tout ce que je lis, même si je ne publie pas tout. Après, dès fois, je ne me souviens pas toujours de mes publications …. ^-^ Je crois être le plus grande utilisatrice du moteur de recherche de mon propre blog !

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    1. Ce n’est pas trop mon truc non plus, et c’est clairement ce qui fait que je n’ai pas classé ce roman en coup de coeur. Mais cet aspect est quand même éclipsé par les personnages ; un trio improbable où culmine la Noële.

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