Maurice, E.M Forster

téléchargement (2)Au début du XXème siècle, dans une Angleterre guindée, Maurice ne sait pas ce qui cloche chez lui avec les normes et les codes de la virilité, mais, comme tous les adolescents appartenant à la bourgeoisie établie, son horizon se doit d’être le mariage et sa consommation pudique, l’établissement social d’une famille et l’équilibre du monde connu. Cet avenir laisse le jeune homme de marbre et les frissons intérieurs qui l’étreignent lui restent illisibles.

Elève moyen, sans particularités physiques ni intellectuelles, il est conforme aux attentes de sa mère, une veuve à la courte vue installée dans une villa confortable dans les environs de Londres, et destiné à suivre le même parcours que son père, les mêmes écoles, la même situation sociale, dans une moyenne raisonnable d’ambition et de passions tues. Entre le collège et l’université, il traverse une période brumeuse. Bon camarade, il lui prend pourtant, des admirations subites. Sans comprendre, il se sent parfois pousser de drôles de sensations et fond en larmes à l’annonce du départ de Georges, jeune aide jardinier avec lequel il jouait sur le domaine familial. Des jeux d’enfants, sans malice aucune, mais dont la perte le submerge et qui le rattrape dans un rêve honteux. Maurice est extérieur à lui même et le récit est celui de son éveil, une lente prise de conscience, complexe, tendue entre l’idéalisme d’une amitié particulière et les désirs du corps qu’il s’interdit.

A dix neuf ans, à l’université, il fait la connaissance d’autres étudiants, dont Risley, un grand brun maniéré dont le discours provocateur l’attire et l’effraie. Mais c’est un de ses proches, Durham, qui va peut à peu bousculer le coeur désordonné et les mouvements confus de l’âme de Maurice. Durham, qui se donne en paroles, pose les limites à ne pas franchir, sans jamais qu’elles soient formulées. On se frôle, on en rougit, on se cherche, on se perd dans la confusion des désirs. Maurice, du moins, car Durham choisit finalement une voix plus paisible.

Le récit suit le cheminement de Maurice, une découverte de soi dans l’obscurité sociale, sans modèle, sans mots, sans images, qui auraient pu lui permettre des repères possibles dans ce monde où l’homosexualité tombe sous le coup de la loi. Il a l’interdit et la honte pour seuls horizons, renoncer à se connaître, à s’accepter semble finalement plus facile. Il faut attendre la toute fin du roman pour qu’une porte s’ouvre, qu’il se laisse vaincre …

Au delà du récit intimiste, le roman évoque la vulnérabilité envers les conventions sociales, l’imprégnation des attentes qui font des déviances des angoisses que l’on doit taire, lorsque des sensations contrarient les brancards de la raison. Le parcours de Maurice le contraint à l’errance dans une société bien datée, ce n’est pas pour autant que ses doutes ne soient plus faciles à s’avouer dans des frontières moins balisées aujourd’hui.

14 commentaires sur “Maurice, E.M Forster

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    1. Un peu plus qu’intéressée, parce que c’est très finement écrit, que les errements de Maurice sont très sensiblement décrits. Passionnée, pas vraiment car tout l’intérêt est ralenti par l’impossibilité du personnage à être transparent à lui même.

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  1. Ce qui est intéressant c’est que ce roman a été écrit en 1913 et publié seulement en 1971 après la mort de son auteur… Cela montre bien à quel point il était compliqué d’évoquer son homosexualité à cette époque… Je peux être tentée de le lire même si c’est très autobiographique.

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    1. Oui, l’auteur ne voulait pas que ce texte soit publié de son vivant. Je ne sais pas par contre si l’histoire est vraiment autobiographique, même si on peut le penser, mais en lisant sa notice biographique, il me semble qu’il doit y avoir pas de transpositions.

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    1. Moi, c’est le film que j’aimerais revoir … ou voir … Car comme toi, cela fait si longtemps que je ne sais pas si j’avais vraiment tout saisi. Il ne me reste que le souvenir d’un film qui m’avait fascinée.

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  2. C’est intéressant, que Forster n’ait pas voulu qu’il soit publié de son vivant. Ca expliquerait le sujet qui me semble très différent des romans que j’ai lus, que j’aime beaucoup et qui sont aussi très finement écrits (je pense à Howards End, A passage to India/Route des Indes, A room with a view/Avec vue sur l’Arno).

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    1. Mon préféré de cet auteur reste Avec vue sur l’Arno, pour l’éblouissement italien … Malgré la différence de sujet, il y a un point commun avec Maurice, et Route des Indes aussi, le cloisonnement des classes sociales. D’ailleurs, ici, ce n’est qu’en le transgressant que le personnage peut trouver une possibilité de vivre son homosexualité ( enfin, la toute fin le laisse supposer … )

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    1. J’ai recherché le film d’Ivory, je voulais vraiment le revoir suite à cette lecture, je ne l’ai pas trouvé pour l’instant. Mais il finira bien par apparaitre sur une plateforme de streaming !

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