Les femmes n’ont pas d’histoire, Amy Jo Burns

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L’histoire d’Ivy et de Ruby est racontée par une adolescente, Wren, le fille de Ruby. C’est une histoire d’amitié, d’amours ratés, d’avenirs trahis, de fuite impossible, de leur chute, des luttes qu’elle n’ont pas su assumer, coincées dans un coin de montagne désolée de la Rust Belt, un flanc rural et paumé des Appalaches, rustique, rude violent, entourées de mâles, pères, maris, amants, peu reluisants.

Ruby s’est mariée à Briar, un jeune homme du coin, devenu charismatique après avoir été frappé par la foudre. Il en garde un iris blanc, un regard étrange, et se construit une légende, de mensonges en mensonges. Devenu pasteur d’une croyance ancestrale et obscure, il prêche dans la langue en soulevant des serpents. Son aura est entretenue par la crédulité de ses ouailles mais Ruby, elle a perdu la foi depuis un bon moment. Briar aime Ruby comme il aime garder ses serpents en cage, dans son cabanon perdu, et ne voudrait la partager avec personne, ni avec sa fille, qu’il ignore, ni avec sa meilleure amie, Ivy, qui veille, lucide et sceptique. Elle aussi s’est mariée,  un peu au premier venu, pour rester auprès de son amie. Ivy a trois garçons, et survit dans une caravane où Ricky, le mari et père, se saoule à la came et se drogue au whisky. Tout va à vau l’eau, et on plonge encore le jour où Ivy prend feu et où elle se met à croire au miracle de Briar …

Ce cadre fait de folie paternelle, de religion déviante, de nature douce et apaisante aux douleurs des coeurs, de l’asservissement des rêves, fait drôlement écho à l’ombre de lectures récentes sur « les destins de femmes et de filles déjà tout tracés, par la faute des hommes lâches et déchus, dans un coin de nature âpre et néanmoins refuge », comme Betty, Là où chantent les écrevisses, et j’en oublie sûrement … Cependant, malgré cet effet de déjà lu, le roman finit par trouver une voie, ou une voix, qui se distingue quelque peu. Déjà parce qu’il n’est pas larmoyant, que la narratrice est peu diserte, et les portraits qu’elle construit petit à petit de sa mère Ruby et d’Ivy sont basés sur des ellipses qui révèlent par bribes les quelques vérités tues de ces deux jeunes filles qui rêvaient d’ailleurs en attendant la fin de l’office à l’ombre de la station service désertée. Des jeunes filles piquantes, insolentes, coquettes, que finalement la montagne ne lâchera pas. Leurs erreurs n’étaient pas des fatalités, mais une lutte contre les frontières qui demandait peut-être une force qu’elles n’avaient pas. Elles n’ont pas su se sauvegarder alors que Wren se coltine aux mythes et fausses légendes et crève les non dits en faisant le récit de la gloire de sa mère.

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14 commentaires sur “Les femmes n’ont pas d’histoire, Amy Jo Burns

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    1. Oui, j’ai vraiment eu une impression de déjà lu, pour le thème et les paysages. Cependant, l’intrigue est plus surprenante que ce à quoi je m’attendais, ce qui fait que je ne regrette pas cette lecture.

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    1. J’ai classé dans entre les deux à cause de la ressemblance thématique avec des lectures assez récentes qui mettent en scène des jeunes filles malmenées dans des familles dysfonctionnelles et une nature flamboyante. Mais comme je n’ai pas vu ce genre de lecture chez toi ces derniers temps, tu pourrais échapper à l’impression de déjà lu et du coup apprécier davantage la voix de Wren.

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  1. c’est un bon moment de lecture, mais bine sûr il ne faut pas comparer avec Betty…
    « Là où chantent les écrevisses » m’attend je me régale d’avance, il faut juste que je trouve le temps 🙂

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    1. Betty a plus d’ampleur, celui-ci est plus sec. Mais il n’empêche que les thèmes se font écho. Je vais laisser passer un moment sans lecture sur cette trame, pour ma part.

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