Un vieil homme plonge avec palmes et tuba dans un lac artificiel, un lac immense, démesuré, créé par la folie des grandeurs d’un tyran, le lac El-Assad ( le père, le fils était encore second en rang d’accession à la succession, inoffensif étudiant en prothèses dentaires à Londres …). De 50 kilomètres de long, il a englouti la vallée, entrainé le déplacement de 11 000 familles. L’eau du dictateur a fait disparaître une partie de l’histoire millénaire de son pays, et les lieux d’enfance de Mahmoud, le jardin, l’odeur des figuiers et du four à pain, le chant de son père qui aimait Verdi, et celui de sa mère quand elle pliait le linge.
Quand le narrateur ne plonge pas, il contemple les eaux et énumère ses pertes en un monologue adressé parfois à sa femme, Sarah, qui aimait les poètes russes, ombre caressée, mère de ses enfants, Leïla, à jamais perdue, puis Salim, Nazifé, Brahim, sans doute pris dans la guerre, celle qui se réveille la nuit et qu’il entend de son cabanon. Les avions passent au-dessus des champs de pastèques, se dirigent vers le barrage, ex-symbole de la modernité voulue par le parti Baas syrien et aujourd’hui, miné par Daech. Le barrage fait naître un autre théâtre d’ombres, les soldats rodent, des enfants meurent, des têtes sont coupées.
Mahmoud, lui, retourne dans l’eau, dans la mémoire des choses perdues : il plonge vers le minaret de la mosquée engloutie, autour de laquelle tournent les poissons et les algues. De la civilisation qui a vu naître l’écriture, a bâti les premières villes, de l’Euphrate des guerriers et des épopées, se dresse au dessus des eaux un unique vestige du croissant fertile, Qal’at Ja’bar.
On apprend le passé du viel homme par allusions, bribes et fragments. Il fut enseignant, il a cru en la révolution de la modernité voulue par le président, « Force, travail, prospérité » pour le peuple syrien libéré de la main mise européenne. Puis poète officiel, il fut contraint aux louanges avant de payer le prix d’une prise de parole dissidente.
L’écriture est poignante, une prose poétique dont les ressacs nostalgiques entrainent le retour à la ligne : « les mots comme des filets à papillons
pour nos causes perdues. »
Son soliloque entrelace les souvenirs flottants et les méandres de l’histoire qui l’ont laissé avec plus de questions que de réponses. Mahmoud n’est pas un sage. Sa parole est tissée d’émotions, comme le barrage, il les retient et puis elles finissent par déborder, flot d’images elliptiques, de sensations, fraîches ou ardentes.
Un texte magique.
Je n’ai jamais encore lu cet auteur, j’ai l’impression que ce n’est pas « pour moi » mais je me trompe peut-être…
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Franchement, j’étais persuadée que le truc « prose poétique », monologue d’un vieil homme mourant qui plonge dans un lac artificiel … ce n’était pas, mais alors pas du tout mon truc ! Mais j’ai été immergée. Ce monologue est aussi plein d’écho de l’histoire de cette région du monde, c’est un texte assez politique, en fait.
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Oui moi aussi j’ai été très touchée par ce texte très sensible et superbement bien écrit !
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J’avais survolé ta note, vu que je venais de terminer la lecture de ce titre et que je n’avais pas encore rédigé la mienne. Je te rejoins en tout point et tu insistes plus que moi sur la dimension historique de ce texte, et tu as bien raison.
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Je l’ai acheté après avoir lu Le musée des contradictions. Il m’attend sagement.
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Je me souviens de ta note sur Le musée des contradictions ! Un billet enthousiaste qui m’avait donné envie de découvrir l’écriture et ses thématiques. Voilà qui est fait, et je compte bien continuer maintenant. Ce n’est pas le même titre mais je suis aussi conquise que toi.
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Déjà noté, mais pour le prochain mois belge (oui, j’ai de l’avance dans mes projets!)
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Ha ben, là … le mois belge, c’est en avril, non ? Quelle projection dans tes lectures ! Je ne pense pas résister aussi longtemps à la lecture d’un autre titre de cet auteur. Mais bon, sans le faire exprès, un titre en suivant un autre … En tout cas, c’est un titre à lire absolument, quelque soit le mois.
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Quel beau billet ! Comme toi (je vois ton commentaire ci-dessus), je ne le sentais pas trop pour moi, ce roman, mais ce que tu en dis peut m’inciter à tenter l’incursion 🧜🏻♀️ …
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Un avis positif d’une amie a déclenché une véritable chaîne de lecture, les avis enthousiastes se succédant, j’ai fini par me dire que la prose poétique finalement, ce n’étant pas si grave que ça … Mais je ne sais pas si on peut vraiment qualifier cette écriture de poétique, en fait. Je ne trouve pas vraiment d’équivalent dans ce que je connais.
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Je suis plutôt peu réceptif à tout écrit poétique et j’ai pourtant beaucoup aimé ce texte (comme tous ceux d’A Wauters que j’ai lus) notamment pour sa portée politique et son propos sur les victimes civiles des guerres.
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Voilà, tu résumes ce que je tente de saisir, la portée politique du texte est bien plus forte que l’aspect poétique. Ou du moins, les images et les sensations convoquées font que la poétique devient politique.
Bon, ce n’est pas très clair, mais le texte est beau. Voilà.
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Je tourne autour depuis un bon moment, sans arriver à me décider. Le mieux est que je l’emprunte à la bibliothèque.
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Ne tourne plus, fonce à la bibliothèque ! En plus, il est très vite lu, tu pourras te faire un avis rapidement. Et quelque chose me dit qu’il sera positif, un certain tempo musical …
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je l’ai noté aussi, toutes les chroniques que j’ai lues sur ce livre sont enthousiastes! la BM ne l’a pas, il va falloir que j’investisse 🙂 🙂
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Tu peux peut-être faire une proposition d’achat à ta BM, en urgence ?! Ce titre connait un beau succès. Ma librairie le vend à tour de bras … Prix Inter et bouche à oreille.
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c’est ce que je vais faire…Peut-être fera-il partie des achats sur le prochain budget 🙂
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Je te rejoins complétement : un texte magique.
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D’autant plus magique que je ne m’attendais pas du tout à être aussi touchée par la forme, d’abord et ensuite par le propos historique.
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Je l’ai emprunté… faut juste que je regarde dans mon sac de livres si je l’ai emmené sur mon lieu de vacances ou si je l’ai bêtement oublié …
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Bon ben je l’ai oublié … ça attendra mon retour …:(
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Tu as sûrement d’autres pépites dans ton sac de livres de vacances ? ! Bonnes lectures et vacances. On te lira au retour …
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Une œuvre sensationnelle qui m’a touchée au plus haut point et m’a instruite. Je l’ai adorée. Bravo pour ton avis magnifique !
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Je ne peux qu’être complètement en accord avec ton commentaire ! Il est vrai qu’en plus d’être touchante, l’intimité du personnage nous fait ressentir les ravages de la dictature syrienne.
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