La famille Tapico est tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Chez eux, on n’éteint la télévision que quatre fois par jour, l’interrupteur étant cassé, la manœuvre demande des contorsions trop problématiques pour être réalisée plus souvent. Et donc, Johanna sait qu’un nouveau jour commence lorsqu’elle entend la voix de William Leymergie de l’autre côté de la cloison. L’équivalent du pinson de l’aurore …
Johanna a un petit frère, amoureux de sa meilleure amie Jennifer. Le lycée n’est pas trop leur truc, elles se dévergondent, comme elles le peuvent, dans l’univers étriqué de leur petite ville, se contorsionnent, dès qu’elles le peuvent, au « club », une cave où on se lâche. Johanna s’y agite en se souvenant vaguement des cours de danse qu’elle a abandonnés, et Jennifer y attrape le garçon qu’elle va consommer rapidement sur le parking avant de rentrer. Johanna l’attend, plus circonspecte. La jeune ado tombe en amour d’Ophélie Winter, écoute en boucle » Dieu m’a donné la foi », accroche au mur le corps divin de la toute nouvelle star …
Les deux amies sont fascinées par les paillettes de la starification facile, le luxe factice des magasines people. Chez Johanna, c’est même de mère en fille : la grand mère les achète, la mère les dévore et Johanna s’en empare en rêvant de rejoindre les rangs des enfoirés. Alors évidemment, lorsque Graine de star annonce un casting, les deux jeunes filles postulent. En fait, elles s’y voient déjà, mais seule Johanna sera retenue pour un rendez vous humiliant et qui tourne court. Premier coup de canif dans leur amitié, et Johanna retourne à sa vie qui rapidement tourne court aussi, petits boulots après un lycée raté, conquêtes stériles, voire dégradantes, le corps comme un objet dont d’autres se servent pour des essais. Johanna se plie.
Mais une photo d’elle joue le rôle du grain de sable. Big brother arrive en France, Johanna est contactée, profil parfait pour le casting ; la blonde sentimentale tellement banale en ses rêves de prince charmant et ses goûts de pacotille que l’identification de toutes les autres blondes sentimentales est du bonus de prime time.
Le roman s’inspire de l’aventure du premier loft story, on ne peut que penser à la Loana et à son Jean Daniel ( même si celui de Johanna n’est pas un goujat, justement … ). Le récit met à jour la platitude, la vacuité du phénomène qui naquit dans ces années là, la célébrité instantanée reposant sur le vide et l’ennui, le luxe vu par le haut de gamme de chez IKéa, canapé et lumières tamisées … Marionnette consentante, Johanna pense tenir sa revanche d’anonyme, pense au beau gosse qui l’a prise, jetée pour une autre qui appartenait à sa sphère, celle où on lit des livres et où la télévision n’est qu’un objet parmi d’autres. La cible de l’auteur n’est pas son personnage, alouette dont l’envol ne peut que se casser la figure, mais le mécanisme cynique qui a nourri son phantasme de rêve « clef en main », vendu dans l’écran de la télévision et découpé en tranches de pubs.
Même si j’ai bien compris les tenants et aboutissants du propos, déterminisme social et parois de verre … je l’ai trouvé un poil condescendant, l’auteur … En s’inspirant de philosophes et sociologues sûrement très pertinents, il se place du côté des « sachants », regardant les modestes s’agripper et riper aux parois de la piscine d’une culture populaire, eaux troubles des « non sachants » qui forcément se laissent aveugler dans les phares …. Pauvres petits lapins !
Ce n’est pas la condescendance qui m’a gênée (étonnamment ça ne m’a même pas frappée) mais plus le fait que le roman s’étire un peu trop… et puis c’est un désenchantement pour qui a lu Avant la longue flamme rouge 😉
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Il est vrai que l’on comprend rapidement que les rêves de Johanna sont plombés ! Et l’auteur ne lui accorde que des rêves de pacotilles … Du coup, le roman manque d’élan, contrairement à Avant la longue flamme rouge. Mais les sujets sont tellement différents !
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C’est peut-être ça qui m’a gênée, effectivement. Il faudrait que je relise ce que j’avais écrit à son sujet pour me remettre dans le bain.
Ah oui, la bibliographie de l’auteur est très éclectique, c’est clair (et c’est aussi sa force finalement, même si j’ai tendance à tout trouver moins abouti que l’histoire de Saravouth).
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Je ne me sens pas très inspirée par le sujet et il y a tant de tentations dans cette rentrée …
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Et oui, beaucoup, beaucoup de tentations en septembre octobre ! J’ai lu ce roman cet été en fait, attirée par une nouvelle lecture de cet auteur. Même un peu déçue par ce titre, je vais continuer, mais plus tard, quand j’aurais moins de nouveautés sous la main !
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Le sujet ne me tente guère et ce que tu en dis, non plus. Je vais rester sur son roman Avant la longue flamme rouge.
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Un roman magnifique ! Mais je reste curieuse des autres titres de Guillaume Sire malgré tout, moins « sociologiques » je pense, que celui-ci.
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Le sujet du roman est déprimant… je ne suis pas sûre de m’y intéresser. La manière de l’aborder (à travers le prisme de la sociologie), parait effectivement condescendante. Donc, apriori, bof… mais tu en parles très bien, par contre.
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Johanna et son amie ont un destin tracé d’avance par leur appartenance à une classe sociale populaire … C’est déprimant en effet ! Heureusement que cette mécanique, même si bien souvent observable, a des ratés et des nuances. C’est ces nuances qui m’ont manqué.
Merci pour le compliment !
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Je lis condescendance… et je pense que je vais passer. Ça m’éneeerve!
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Johanna, le personnage principal est montrée comme une émanation de sa classe sociale, même si l’auteur lui donne quand même une épaisseur individuelle.
Je te recommande de tenter la découverte de cet auteur si ce n’est pas déjà fait … Notamment avec le sublime Avant la longue flamme rouge !
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Dommage, le sujet est intéressant…
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Oui, même si les mécanismes de la téléréalité sont bien connus maintenant et surtout le phénomène « looft un », sur lequel l’auteur se base. Mais dans mon souvenir, je pensais que tu avais lu ce titre de cet auteur ?
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pas du tout tentée… c’est un peu du réchauffé non?
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Ben, disons que le looft un n’est plus un sujet de scandale !!! Dépassé par d’autres émissions du même type. Il faut dire que je n’y connais pas grand chose, à la téléréalité !
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L’auteur a changé de genre, mais tu ne semble spas convaincue.
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Non, pas vraiment convaincue, mais je garde une grande curiosité pour ses autres romans, parce que les sujets en sont très divers et visiblement, les angles d’approche aussi.
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