L’inventeur, Miguel Bonnefoy

MouchotAugustin Mouchot, n’a pas seulement un nom assez ridicule, il ne semble, au départ, voué à aucun destin. Aucune muse, aucune fée ne s’est penchée sur son berceau de fils de serrurier de la Côte d’or, si ce n’est la fée de la poisse.

Né au début de l’ère industrielle, le monde dans lequel il débarque est celui de la machine à vapeur et du charbon. Dans cette économie qui tire sa richesse du sous sol, de la mine et de l’obscurité, c’est vers le soleil qu’Augustin, devenu un petit prof de maths, va aller chercher une nouvelle énergie. En vain. Aucune surprise, si l’énergie solaire avait supplanté le fossile, on le saurait depuis un bon moment. C’est donc sans suspens que l’on suit les échecs d’Augustin. Il n’est pas un chancre de l’écologie avant l’heure d’ailleurs, et c’est complétement par hasard, un livre qui lui chute sur la tête, qu’il tombe en amour de la lumière.

Souffreteux, sans charisme aucun, l’homme n’a pas grand chose pour plaire et faire connaître ses recherches. D’ailleurs, une seule photographie existerait, ce qui est un marqueur de l’oubli en ce XIX ème siècle si friand de technologies nouvelles. Il y a aussi quelques gravures d’un moment qui aurait pu être à sa gloire; le tirage d’un journal, nommé le « soleil journal ». Organisé dans le jardin des Tuileries, la machine qu’il a imaginée, conçue, réalisée, le moteur solaire, en permet l’impression de plusieurs exemplaires. Mais en aout 1882, année de cette manifestation publique, l’invention d’Augustin ne lui appartient déjà plus, elle lui a été ravie par un ex-associé, Abel Pifre, beaucoup plus bateleur de foire que le falot Augustin.

Et pourtant, le bougre ne manquait pas d’énergie pour extraire son idée de l’anonymat. A plusieurs moments, il y fut presque, réussissant à capter l’attention de Napoléon III sous le soleil de Biarritz, et celle du public de l’exposition universelle de 1878. Mais l’ère n’est pas solaire, et l’homme disparait,, quasi anonyme.

Cet anonymat fait le jeu de Bonnefoy qui peut s’y engouffrer sans retenue, et donner à son personnage corps et rêves, rêves d’Algérie, rêves du soleil ultime, sur les hauteurs du mont Chelia, son apogée à lui, l’homme solitaire et en fusion avec sa machine, seul dans la fournaise du djebel. Point culminant de sa vie, il s’y croit demi dieu, moment unique où il pensait maitriser l’astre. Il y perdra quasiment la vue.

Sans prendre le parti de l’ironie distanciée d’un Echenoz dans sa série de biographies romancées, Bonnefoy tente ainsi de faire rentrer de l’épopée dans le  triste sort d’Augustin Mouchot, au point que parfois, je me suis mise à douter de l’existence de ce savant oublié et maltraité. Cependant, malgré son allant, l’auteur a du mal à donner du panache à ce rat de laboratoire si peu flamboyant. N’est pas Icare qui veut.

14 commentaires sur “L’inventeur, Miguel Bonnefoy

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    1. L’auteur est fort sympathique, je l’avais découvert à Etonnants voyageurs sur un plateau avec Yan Manai. Et j’avais été convaincue par son écriture par la suite. Ici, disons que malgré toute la bonne volonté de l’auteur et le lyrisme qu’il insuffle, le personnage est sans doute mal choisi, trop étriqué.

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    1. Je dirais tout comme toi … J’ai bien aimé le premier, un peu moins Le voyage d’Octavio. Mais il semblerait que Héritage soit vraiment à lire, d’après quelques échos autour de moi. Comme j’aime bien l’auteur, je le lirai encore, à l’occasion. Je pense, pour ce titre, que c’était un défi de rendre romanesque ce personnage si étriqué d’Augustin Mouchot. Défi à moitié réussi, c’est déjà pas mal !

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    1. Oui, des amis m’ont parlé d’Héritage, et en en disant beaucoup de bien. Je lirai sûrement cet autre titre parce que le style de Bonnefoy est ici un peu bridé par le choix du personnage, mais on retrouve malgré tout du souffle par moment.

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